J.O. 246 du 23 octobre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2003-1038 du 23 septembre 2003 se prononçant sur un différend entre les sociétés Iliad et France Télécom


NOR : ARTE0300066S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive 98/10 /CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

Vu la directive 2002/22 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») ;

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 33-4, L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu le décret no 2003-752 du 1er août 2003 relatif aux annuaires universels et aux services de renseignements et modifiant le code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant règlement intérieur ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999, annulant la décision no 98-D-60 du Conseil de la concurrence, en date du 29 septembre 1998, et statuant sur les pratiques reprochées ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 4 décembre 2001, rejetant le pourvoi formé par la société France Télécom contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999 ;

Vu la décision no 02-D-41 du Conseil de la concurrence, en date du 26 juin 2002, se prononçant sur le respect d'une partie des injonctions prononcées par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 et renvoyant le dossier à l'instruction en ce qui concerne le respect d'une autre partie de ces injonctions ;

Vu la décision no 03-D-43 du 12 septembre 2003, relative au respect des injonctions prononcées à l'encontre de la société France Télécom par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 ;

Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée à l'Autorité le 24 mars 2003, présentée par la société Iliad, RCS Paris B 342 376 332, dont le siège social est situé 24, rue Emile-Ménier, 75116 Paris, représentée par M. Xavier Niel, président du conseil de surveillance ;

La demande de règlement de différend de la société Iliad porte sur les modalités techniques et financières de fourniture des listes d'abonnés de France Télécom à des fins de fourniture d'un service universel de renseignements.

Dans sa saisine, Iliad demande à l'Autorité :

- de constater un échec de négociations entre Iliad et France Télécom ;

- de constater que l'offre de « cession des données annuaires aux éditeurs annuaires et/ou aux services de renseignement téléphonique », telle que précisée par France Télécom en rubrique L 12 de son catalogue des prix, ne respecte pas les prescriptions réglementaires et légales et ne répond pas aux attentes correspondant à la fourniture d'un service de renseignement universel ;

- de se prononcer sur le différend et d'ordonner à France Télécom de proposer à Iliad, sous trente jours à compter de la notification aux parties de la décision, un accord définissant les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom respectant les points suivants :

i) Un accès non discriminatoire aux listes d'abonnés, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, de France Télécom sur une durée de trois ans ;

ii) Une mise à jour des données selon des périodicités laissées à l'appréciation des parties et garantissant au minimum une mise à jour mensuelle ;

iii) Une orientation vers les coûts des tarifs.



I. - Exposé des faits


La société Iliad, qui souhaite fournir un service universel de renseignements, a sollicité la société France Télécom à plusieurs reprises pour que le contrat de concession de la base annuaires de France Télécom conclu en 1999 soit amendé pour tenir compte des nouvelles dispositions législatives issues de la rédaction de l'ordonnance no 2001-670 du 25 juillet 2001.

Elle indique que sa demande a été rejetée par France Télécom car les tarifs de cession doivent tenir compte du nombre d'usages réellement faits de la base annuaires de France Télécom.

En effet, la société Iliad indique que France Télécom estime que la demande ne peut être acceptée au regard du périmètre d'activité tel que décrit dans le catalogue des prix de France Télécom, rubrique L 12, dans le cadre de son offre de « cession des données annuaires aux éditeurs d'annuaires et/ou services de renseignements téléphoniques ».

La société Iliad estime qu'elle est donc conduite à constater un désaccord et soumet ce litige à l'Autorité.


II. - Exposé des moyens

1. Sur le caractère justifié de la demande d'Iliad


La demande de la société Iliad vise, dans le cadre de son service de renseignement, à parvenir à un accord avec France Télécom portant sur les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom. Elle estime que sa demande est justifiée, car légitime et raisonnable.

La société Iliad indique qu'elle a signé avec France Télécom, le 14 octobre 1999, un accord de mise à disposition des données annuaire de France Télécom prenant effet le 1er novembre 1999, valable pour une période de trois ans.

La société Iliad souligne que selon les termes de cet accord, la rémunération de France Télécom au titre de l'accès à la base de données annuaire et de sa réutilisation doit être « raisonnable et orientée vers les coûts ». Cette rémunération a alors été fixée à 3 353 878 EUR annuels (soit 22 millions de francs HT), décomposée en 2 896 531 EUR (soit 19 millions de francs) au titre de la base elle-même et de 457 347 EUR (soit 3 millions de francs) au titre de la mise à jour annuelle.

Elle précise que souhaitant fournir un service universel de renseignements, elle a mis en place des ressources permettant d'accéder à ce service par plusieurs moyens : en ligne par Minitel (36-17, code annu) et internet ; et par téléphone via le numéro court 3217.

La société Iliad indique que la fourniture de ce service implique, afin de garantir la véracité des informations communiquées, un accès régulièrement actualisé aux listes d'abonnés des différents opérateurs, dont France Télécom qui dispose de 26 millions d'abonnés au service téléphonique.

Elle indique également que l'accord initial de novembre 1999 arrivait à échéance en novembre 2002, et qu'elle a dans ces conditions sollicité de France Télécom un nouvel accord afin de proposer un service universel de renseignements. Elle souhaite que cet accord portant sur les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom réponde aux critères suivants :

- un usage unique de renseignements ;

- une orientation vers les coûts des tarifs, en application des dispositions légales et réglementaires, telle que précisée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 4 décembre 2001 et rappelé par un avis du Conseil de la concurrence en date du 26 juin 2002.

La société Iliad estime que sa demande, portant exclusivement sur une activité de renseignement, a été rejetée par France Télécom au motif que les activités de renseignement et d'annuaire sont liées, ce qu'elle conteste. Elle précise d'ailleurs que le Conseil de la concurrence a confirmé cette distinction des services de renseignement et d'annuaires dans une décision no 2002-D-41 du 26 juin 2002.

Elle souligne que France Télécom a constamment rejeté sa proposition, en invoquant l'inscription à son catalogue des prix, rubrique L 12, d'une nouvelle grille tarifaire qui s'appliquerait à Iliad alors que cette offre ne répond pas à ses attentes.

Elle considère que cette offre ne satisfait pas aux obligations légales et réglementaires de fourniture, dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts des listes d'abonnés à des fins de fourniture d'un service universel de renseignements.

La société Iliad estime qu'en vertu des dispositions de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications, l'activité relative à la publication des listes d'abonnés ou d'utilisateurs des réseaux ou services de télécommunications ne peut être restreinte au profit d'un seul acteur du marché, ce qui implique que chaque demandeur, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, qui justifie d'un intérêt, doit pouvoir accéder à ces listes dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts en vue de proposer un service fiable.

Elle indique qu'elle ne peut plus garantir la véracité des informations dont elle dispose, compte tenu des mouvements mensuels dans la base d'abonnés de France Télécom, ou souscrire à une offre commerciale de France Télécom échappant au contrôle de l'Autorité, sans avoir la garantie que cette offre soit non discriminatoire et que ses tarifs soient orientés vers les coûts.

Elle souligne que sa demande est légitime, raisonnable et justifiée, car l'offre de France Télécom telle que décrite en rubrique L 12 de son catalogue des prix ne satisfait pas ses besoins puisqu'elle ne répond pas aux prescriptions réglementaires.


2. Le refus de France Télécom est discriminatoire


La société Iliad constate que la nouvelle offre commerciale de France Télécom, publiée en novembre 2002 à son catalogue des prix, n'a pas fait l'objet d'une décision tarifaire homologuée selon la procédure prévue à l'article 17 du cahier des charges de France Télécom, tel que fixé par le décret no 96-1225 du 27 décembre 1996.

Elle considère que cette offre ne répond pas effectivement aux obligations définies par l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications. En outre, elle estime que l'orientation vers les coûts et l'absence de traitement discriminatoire ne sont pas garanties, compte tenu de l'absence de contrôle de cette offre commerciale par l'Autorité.

La société Iliad précise que c'est à la suite de la décision du Conseil de la concurrence, en date du 26 juin 2002, que France Télécom a publié en novembre 2002 une nouvelle grille tarifaire de son offre « de cession des données annuaires aux éditeurs d'annuaires et/ou services de renseignements téléphoniques ». Cependant, elle considère que la publication d'une nouvelle grille tarifaire à la rubrique L 12 de son catalogue des prix n'a pas remis en cause le caractère discriminatoire de l'organisation mise en place par France Télécom pour son activité de renseignements, telle que décrite dans la décision du Conseil de la concurrence.

Elle estime que France Télécom, ayant été en mesure de mettre en place, pour ses propres services de renseignements, une offre distincte de celle mentionnée en rubrique L 12 de son catalogue de prix, dispose donc de la capacité à satisfaire la demande de la société Iliad.

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 1er avril 2003, communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;

Vu la lettre du rapporteur, en date du 3 avril 2003, convoquant les sociétés Iliad et France Télécom à une audition le 11 avril 2003 ;

Vu les procès-verbaux d'audition du 11 avril 2003 des sociétés Iliad et France Télécom ;

Vu les observations en défense enregistrées le 29 avril 2003, présentées par la société France Télécom, RCS Paris 380 129 866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, secrétaire général ;


I. - Exposé des faits


A titre liminaire, la société France Télécom conteste les faits rapportés par la société Iliad sur les négociations menées depuis décembre 2002.

France Télécom précise qu'elle a fait des propositions à la société Iliad et qu'elle a pris toutes les dispositions pour que soient respectées les exigences réglementaires et concurrentielles. France Télécom estime que l'échec des négociations revient à la société Iliad qui a refusé de fournir toutes les indications utiles sur l'utilisation des données alors que le Conseil de la concurrence a confirmé, dans sa décision du 26 juin 2002, la nécessaire correspondance entre l'usage des données et leur tarif de cession.


1. Sur l'échec des négociations


France Télécom considère que l'échec des négociations est dû à la société Iliad, qui, dès le départ, a orienté sa correspondance dans le but d'aboutir à un échec des négociations. La société France Télécom rappelle que, depuis octobre 1999, Iliad a bénéficié de l'utilisation de la base de données annuaire de France Télécom avec mises à jour régulières dans des conditions tarifaires contractuelles conformes à un accord triennal résultant d'une médiation entre les deux parties. Cette médiation résultait d'une décision du tribunal de commerce de Paris du 18 juin 1999 condamnant la société Iliad à verser 15 244 901 EUR (soit 100 millions de francs) de dommages et intérêts à France Télécom pour piratage de la base France Télécom.

France Télécom précise que cette médiation a conduit à la signature par la société Iliad d'un contrat aux termes duquel celle-ci s'engageait à payer pour l'ensemble de la base un tarif forfaitaire de 3 350 000 EUR par an.

France Télécom indique que, pendant cette période, elle a produit des nouvelles décisions tarifaires relatives à la concession des données annuaires. La dernière était applicable à partir du 20 novembre 2002 et consistait en un ajustement destiné à parfaire la conformité de l'offre aux termes de la décision du Conseil de la concurrence du 26 juin 2002. En outre, elle précise que cette nouvelle offre de cession de la base annuaires France Télécom répond à son obligation de fourniture et prend en considération la nature des usages réellement exercés par le demandeur de la prestation.

Elle précise également que le contrat triennal entre Iliad et France Télécom prenant fin en novembre 2002, France Télécom a proposé deux avenants destinés à prendre le relais du précédent contrat :

- un avenant pour une durée d'un an ;

- un avenant pour une durée de trois ans, afin de faire bénéficier Iliad de la remise de 10 % accordée aux clients acceptant de contractualiser pour une durée d'au moins trois ans.

France Télécom indique que ces deux contrats ont été établis sur la base de deux usages de la base annuaires :

- un usage de type renseignement téléphonique (32-17) ;

- un usage de type annuaire en ligne (36-17 annu, annu.com).

France Télécom précise que cette proposition a été faite de façon pragmatique eu égard aux usages recensés des activités de la société Iliad. Ainsi, l'avenant envoyé à la société Iliad tenait compte des usages spécifiques posés par le Conseil de la concurrence qui avait reconnu l'existence d'un marché spécifique pour les « services de renseignements téléphoniques ».

France Télécom souligne que, à la suite d'un courrier électronique du 11 décembre 2002, la société Iliad réclame un « contrat base annuaires mono usage ». France Télécom a souhaité obtenir confirmation de cet usage exclusif afin de pouvoir répondre favorablement à cette requête.

Elle précise que la société Iliad a non seulement éludé les interrogations légitimes de France Télécom quant à l'usage des données pour le 32-17, mais encore qu'elle a indiqué, par un courrier du 17 décembre 2003, bloquer le paiement des factures émises par France Télécom.

France Télécom estime qu'il ne lui appartient pas d'offrir à la société Iliad ses bases de données à un tarif discriminatoire par rapport à ses autres clients en regard des usages différenciés retenus par le Conseil de la concurrence.

Elle indique qu'elle a adressé un courrier le 23 janvier 2003 à la société Iliad demandant des précisions sur « le nouveau contour » de ses activités et l'usage qu'elle souhaite abandonner dans le cas où elle maintiendrait sa demande de contrat « mono usage ».

Elle précise qu'elle a transmis, le 17 février 2003, à la société Iliad un inventaire exhaustif des prestations rendues entre décembre 2002 et janvier 2003 indiquant :

- la date d'extraction des interfaces mensuelles destinées à la société Iliad ;

- la volumétrie des inscriptions extraites ;

- les dates de mises à disposition ;

- les dates du retrait opéré par la société Iliad.

France Télécom estime que la société Iliad ne peut raisonnablement soutenir, au regard de la teneur des échanges précités, avoir engagé à quelque moment que ce soit de réelles négociations sur les conditions techniques et financières de fourniture de données annuaires avant son courrier du 21 janvier 2003 adressé en copie à l'Autorité de régulation des télécommunications.

Par ailleurs, France Télécom indique que dans sa saisine, la société Iliad souhaite fournir un service universel de renseignements et donc vouloir utiliser les données commercialisées par France Télécom selon un double usage. Dans ces conditions, elle estime que la société Iliad n'a jamais ouvert de réelles négociations à ce sujet, mais s'est bornée à défendre au mépris du dialogue commercial une position inflexible sans rapport avec la réalité des usages qu'elle souhaite faire de la base de données des abonnés de France Télécom.

II. - La demande d'Iliad est irrecevable en l'absence de la publication du décret d'application de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications, et en tant que le principe et les modalités de l'accès aux listes d'abonnés ont d'ores et déjà été déterminés dans un autre cadre juridique

Sur l'absence de la publication du décret d'application de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications :

La société France Télécom considère qu'il ressort clairement de l'article L. 33-4 qu'un décret doit déterminer les conditions de l'ensemble de l'alinéa, à savoir notamment les conditions économiques de la communication de la liste d'abonnés, ce que confirme pleinement en son article R. 10-6 le projet de décret relatif à l'annuaire universel communiqué par le secrétaire d'Etat à l'industrie au président de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications le 10 janvier 2002.

Elle estime donc qu'en ne rappelant pas que les dispositions selon lesquelles l'application de l'article L. 33-4 du code est subordonnée à la publication d'un décret, la demande d'Iliad méconnaît les conditions de recevabilité :

- Iliad n'est pas fondée à requérir la base de France Télécom en vue de fournir un service universel, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un véritable service universel en l'absence de publication du décret d'application ;

- l'applicabilité de l'article L. 33-4 étant subordonnée aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat, la recevabilité de la demande d'Iliad au titre de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications est aussi conditionnée à la publication de ce décret.

Elle précise que si une disposition légale se suffisant à elle-même est réputée applicable sans attendre la publication d'un décret à la date d'entrée en vigueur de cette loi, il ne peut en être de la sorte pour des dispositions dont le législateur a reconnu le caractère consubstantiel à la publication du décret. En conséquence, elle considère qu'en l'espèce les dispositions du code des postes et télécommunications, faute de décret d'application, ne sont pas applicables et ne peuvent être utilement revendiquées par la société Iliad à l'appui de sa saisine.

Sur le principe et les modalités de l'accès aux listes d'abonnés qui ont d'ores et déjà été déterminées dans un autre cadre juridique :

France Télécom rappelle que cette question a déjà été tranchée, notamment par la cour d'appel de Paris qui, dans un arrêt en date du 29 juin 1999, a prononcé à l'encontre de France Télécom des injonctions.

France Télécom considère que la société Iliad ne saurait nier que ces injonctions ont été prises en connaissance du cadre réglementaire existant et avaient notamment pour objet de palier l'absence de décret.

Elle estime que, faute d'adoption du décret fixant les modalités y compris financière d'accès aux listes d'abonnés, et de possibilité pour l'Autorité de régler d'éventuels litiges sur le sujet, les autorités judiciaires sont intervenues pour prendre des mesures permettant d'organiser cet accès et ses modalités financières au bénéfice de l'ensemble du marché et non seulement de la société Iliad.

Elle précise qu'à la demande de la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris a été chargée de déterminer le tarif de cet accès à la base annuaires de France Télécom et a ordonné une expertise, toujours en cours.

Elle considère que l'Autorité ne saurait donc faire droit à la demande de la société Iliad car la Cour de cassation et la cour d'appel ont déjà tranché la question en fixant les conditions de l'accès à la base annuaires de France Télécom.


III. - La demande de la société Iliad est injustifiée

1. L'offre de France Télécom est non discriminatoire

La société Iliad requiert une discrimination positive en sa faveur


France Télécom estime qu'en ne donnant pas suite aux exigences de la société Iliad, elle a simplement refusé de cautionner une pratique manifestement discriminatoire.

France Télécom rappelle, d'une part, qu'elle a, conformément à la décision du Conseil de la concurrence du 26 juin 2002, établi une offre de fourniture en considération de la nature des usages réellement exercés par son client, et d'autre part, que cette décision fait suite à une multiplication des contentieux de la part des éditeurs qui souhaitaient avoir accès à la base annuaires sans frais autres que ceux correspondant aux coûts de mise à disposition, c'est-à-dire sans avoir à acquitter aucune participation aux coûts de constitution et de maintenance de cette base.

France Télécom précise que la cour d'appel de Paris ainsi que le Conseil de la concurrence excluent formellement la demande d'accès à un prix correspondant aux seuls coûts techniques de transfert, et ont ordonné une expertise afin de vérifier les coûts exposés pour la constitution et la maintenance de la base annuaires.

Ainsi, la demande de la société Iliad ne saurait trouver un juste écho de la part de l'Autorité concernant l'évaluation de ces coûts. En effet, la société France Télécom soutient qu'il apparaît difficile pour l'Autorité de se prononcer en équité sur l'orientation vers les coûts réclamée par la société Iliad, alors même qu'elle fait aujourd'hui l'objet d'expertises approfondies.

Elle ajoute que le Conseil de la concurrence, dans sa décision du 26 juin 2002, s'agissant de l'obligation de fourniture, a donné acte que France Télécom a bien offert « à toute personne qui en fait la demande » :

- un service de mise en conformité des listes d'abonnés avec la liste Orange ;

- la cession de la base annuaires à usage de marketing direct ;

- la cession de données annuaires à usage de renseignement, tant par un accès sur requête par l'intermédiaire de la société Intelmatique, que par un accès à la base complète aux fins d'édition d'un service de renseignement ou d'annuaire en ligne ;

- la cession de la base annuaires à usage d'édition d'annuaires imprimés.

En outre, celui-ci a constaté que les offres de cession de données annuaires à usage de renseignement et d'annuaires « répondent aux exigences de transparence ».

La société France Télécom précise que le Conseil de la concurrence a reconnu l'existence d'usages distincts des bases annuaires susceptibles de faire l'objet d'une tarification spécifique « compte tenu que l'édition d'annuaires imprimés constitue une activité économique distincte des activités de renseignements, et en particulier, des activités de renseignements par téléphone ».

France Télécom souligne qu'elle a adressé le 24 septembre 2002 au Conseil de la concurrence un projet de nouvelle grille tarifaire de la société Intelmatique pour l'accès sur requête, d'une part, et une proposition de tarif d'accès à la base complète, d'autre part.

Elle précise que ces propositions constituent une stricte mise en oeuvre des injonctions implicites contenues dans cette décision. En outre, elle indique que le Conseil de la concurrence a donné une nouvelle fois acte à France Télécom du bien-fondé de cette lecture de la décision du 26 juin 2002 en rejetant totalement, le 17 décembre 2002, les nouvelles actions de Scoot et de Fonecta.

La société France Télécom indique que ses nouvelles offres en date du 1er novembre 2002 permettent aux opérateurs exerçant uniquement une activité de bénéficier d'un tarif deux fois plus faible que l'ancienne formule et s'appliquent de la même façon à chacun des trois usages suivants :

- renseignements téléphoniques ;

- annuaires en ligne ;

- annuaires imprimés.

France Télécom précise qu'il s'agit de trois marchés parfaitement distincts et pertinents. Le marché des services de renseignement a été reconnu comme tel par le Conseil de la concurrence qui lui a demandé, pour cette raison, de définir une offre spécifique. En outre, elle précise que le marché des annuaires en ligne est pertinent.

France Télécom indique que lorsqu'un de ses clients ne développe qu'un seul usage, qu'il soit du type renseignement téléphonique, annuaire imprimé ou annuaire en ligne, le tarif est calculé sur la base du tarif forfaitaire tous usages réduit de 50 %. De plus, elle ajoute que lorsque l'éditeur qui en fait la demande, n'assure que deux usages parmi les trois, son tarif passe à 75 % du tarif forfaitaire.

France Télécom souligne que le prix des données annuaires s'articule autour de diverses options :

- la fréquence de mises à jour ;

- la quantité des données vendues ;

- la présence ou l'absence dans la donnée cédée des éléments caractéristiques de la profession exercée.

France Télécom précise que conformément à la décision du Conseil de la concurrence, il existe trois marchés bien distincts et que la position de France Télécom ne diffère pas de celle rappelée par le Conseil, contrairement à ce que laisse supposer la société Iliad. C'est parce que les activités de renseignements et d'annuaires sont distinctes que France Télécom ne peut répondre favorablement à la demande d'Iliad.

France Télécom rappelle que la nouvelle formule tarifaire exige de la part des clients une grande rigueur quand ceux-ci déclarent les activités qu'ils exercent. En omettant un usage, un client peut bénéficier d'un tarif moindre et exercer une activité sur un marché avec un avantage sur ses concurrents. Il s'avère que cette situation correspond à la société Iliad.

Elle souligne que la société Iliad n'a d'autre motif que de revendiquer le tarif le plus faible possible. En effet, la société Iliad n'édite pas uniquement un service d'annuaire en ligne, mais aussi un service de renseignements téléphonique et qu'en l'absence d'explications, France Télécom ne pouvait donner une suite favorable à la demande de la société Iliad sans créer un traitement discriminatoire vis-à-vis de ses autres clients, qui sont d'ailleurs les concurrents de la société Iliad.

France Télécom note que dans ses divers courriers, la société Iliad ne se positionne jamais comme éditeur d'un service universel de renseignements téléphonique mais demande de manière constante un contrat « un usage » à des fins d'annuaire en ligne. C'est dans son dossier de demande de règlement de différend adressé à l'Autorité, qu'elle évoque, pour la première fois, son souhait de fournir un service universel de renseignements. En conséquence, ceci illustre clairement la volonté de la société Iliad d'utiliser la base France Télécom pour deux usages :

- pour l'annuaire en ligne ;

- pour des renseignements téléphoniques.


Une présentation mensongère du caractère discriminatoire

de l'offre de France Télécom


France Télécom revient sur les observations de la société Iliad dans sa saisine qui estime « que le refus de France Télécom est non fondé et discriminatoire car France Télécom dispose des moyens pour satisfaire la demande d'Iliad ».

Elle indique que la société Iliad souhaite bénéficier d'une offre plus favorable à celle que les règles de concurrence imposent à France Télécom de fournir à l'ensemble des éditeurs autant qu'à ses services.

Elle tient à rappeler que son unité d'affaire exerçant l'activité de renseignement téléphonique a souscrit exactement à l'offre L 12 de son catalogue des prix auprès de la direction des annuaires.

Elle estime que la demande de la société Iliad n'est pas justifiée et que France Télécom ne peut pas, au regard du droit de la concurrence, lui donner une suite favorable.


2. Les tarifs de France Télécom pour sa base annuaires

sont conformes aux obligations réglementaires

Une présentation erronée du dispositif tarifaire réglementaire


France Télécom déplore la présentation erronée des faits opérée par Iliad qui méconnaît les procédures relatives aux décisions tarifaires entre France Télécom, l'Autorité et le ministre.

Elle précise qu'elle n'a jamais cherché à soustraire son offre au juste contrôle des autorités compétentes :

- elle a fait parvenir la décision « pour information » à l'Autorité le 12 novembre 2002 ;

- elle a envoyé cette même décision au ministre le 12 novembre 2002 qui en a accusé réception trois jours plus tard.

Elle rappelle que la précédente décision tarifaire no 2000-358 du 20 novembre 2000 relative à l'obligation de fourniture des données d'annuaire avait déjà fait l'objet d'une procédure pour information, sans que cela soulève de commentaires particuliers de la part des autorités.


Une offre ne relevant pas de l'homologation


France Télécom rappelle que l'homologation de ses tarifs n'est requise que pour les tarifs du service universel et des services de télécommunications pour lesquels il n'existe pas de concurrent sur le marché.


La fourniture de la base annuaires

ne relève pas du service universel


France Télécom souligne que l'obligation de fourniture de base de données annuaires, qui s'impose à tous les opérateurs selon l'article L. 33-4 du CPT, ne peut faire partie d'un service public universel de télécommunications.

Elle estime que l'annuaire universel ne peut exister tant que le décret d'application y afférent n'est pas publié, et par conséquent, le tarif de cette prestation ne saurait ici relever que d'une communication pour information.

Elle rappelle que l'annuaire universel que France Télécom a l'obligation d'éditer doit être distingué de la commercialisation à des intermédiaires de la base de données annuaires de France Télécom, seule en cause dans le présent litige, et qui ne saurait lui être confondue. L'obligation de service universel de France Télécom vise la mise à disposition au public de l'annuaire universel et en aucun cas sa commercialisation à des tiers.


La fourniture de la base annuaires

n'est pas un service de télécommunications


France Télécom constate qu'il existe de nombreux concurrents du groupe France Télécom dans le domaine de l'édition d'annuaires, de services de marketing direct ou des services de renseignements.

Toutefois, en ce qui concerne le marché amont de la fourniture de bases de données annuaires, France Télécom note qu'il n'existe que très peu de concurrents de France Télécom en ce domaine. Elle regrette d'ailleurs que ses homologues opérateurs de télécommunications se refusent à mettre à sa disposition leurs propres données annuaires, bien que les directives européennes les y obligent depuis 1998.

Ainsi, France Télécom estime que sans les abonnés aux services de téléphonie fixe et mobile de Vivendi, Bouygues et autres, elle est dans l'incapacité d'exécuter son obligation légale d'édition d'un annuaire universel auquel la demande d'Iliad ne saurait en conséquence prétendre.


Le tarif de la base annuaires

relève de la procédure d'information


France Télécom rappelle que lors d'une audience devant le Conseil de la concurrence, celui-ci avait affirmé qu'une homologation n'était pas nécessaire pour les tarifs de mise à disposition des données de la base annuaires de France Télécom. En conséquence, France Télécom avait transmis aux autorités de tutelle sa décision tarifaire le 12 novembre 2002, sans que cette démarche n'appelle de commentaire particulier desdites autorités au regard des dispositions de l'article 17.3 de son cahier des charges.

France Télécom, en procédant à l'envoi d'une décision tarifaire « pour information », ne met aucunement les autorités de régulation devant le fait accompli et ne préjuge pas de la procédure finalement imposée. Le ministère qui prononce les homologations, en accord avec l'Autorité, dispose d'une semaine pour accuser réception et faire savoir éventuellement à France Télécom s'il estime nécessaire que la décision tarifaire fasse l'objet d'une requalification donnant lieu à une procédure d'homologation plus formelle. Or, elle précise qu'un courrier envoyé par la DIGITIP, en date du 15 novembre 2002, accuse réception du courrier de France Télécom relatif à la décision tarifaire no 2002-167.

Ainsi, France Télécom estime que les autorités, par leur silence, ont bien confirmé qu'elle respectait ses obligations réglementaires en matière de contrôle tarifaire, contrairement à l'affirmation de la société Iliad.


3. La demande d'Iliad constitue un préjudice

pour France Télécom


France Télécom indique que la demande de la société Iliad ne repose sur aucun fondement sérieux et qu'en déposant une saisine, elle a choisi seule de renoncer aux mises à jour de données depuis février 2003 que France Télécom a scrupuleusement continué à lui mettre à disposition.

France Télécom précise que l'unique préjudice dont la société Iliad se prévaut est un préjudice qu'Iliad s'inflige à elle-même lorsqu'elle indique « être confrontée au dilemme consistant à ne plus être en mesure de garantir la véracité des informations dont elle dispose... ou souscrire à une offre commerciale de France Télécom échappant au contrôle de l'Autorité ».

France Télécom met en doute la volonté réelle de la société Iliad d'éditer des services universels et estime que cette saisine est essentiellement destinée à prendre prétexte des évolutions réglementaires pour obtenir des conditions tarifaires indûment favorables.

France Télécom précise que la société Iliad a suspendu de façon unilatérale tout paiement depuis novembre 2002, alors que son activité continue à s'exercer et qu'elle exploite la base qui lui a été précédemment cédée temporairement, et que France Télécom continue à lui reverser mensuellement des sommes, au titre notamment de ses annuaires télématiques du type 36-17 annu, supérieures à celles résultant de l'application du tarif de cession des données annuaires de France Télécom.

Elle estime que la société Iliad tire argument de la procédure de règlement de différend pour suspendre le paiement de ses factures dans une conjoncture financière plus tendue pour elle, et ce, alors même qu'elle continue à bénéficier des reversements substantiels de la part de France Télécom.

Elle indique que l'Autorité prendra acte qu'il revient à France Télécom seule de subir effectivement un préjudice financier dans cette affaire.

France Télécom demande à l'Autorité de :

- déclarer irrecevable la demande d'Iliad au titre de l'article L. 33-4 du CPT ;

- rejeter les prétentions d'Iliad visant sous trente jours à compter de la notification de la décision à ordonner à France Télécom de proposer un accord définitif définissant les modalités techniques et financières de la fourniture de ses listes d'abonnés respectant les points suivants :

- un accès non discriminatoire aux listes d'abonnés, sous réserve de la protection des droits de la personne concernée, de France Télécom sur une durée de trois ans ;

- une mise à jour des données selon des périodicités laissées à l'appréciation des parties et garantissant au minimum une mise à jour mensuelle ;

- une orientation vers les coûts des tarifs.

Vu les observations en réplique enregistrées le 14 mai 2003 présentées par la société Iliad ;

Dans ses observations, la société Iliad souhaite apporter des précisions sur le contexte des négociations avec France Télécom et sur la recevabilité de sa demande de règlement de différend.


I. - La demande de la société Iliad d'accès aux listes

d'abonnés s'est soldée par un échec des négociations


La société Iliad tient à rappeler le contexte dans lequel s'inscrit sa demande de règlement de différend qui est la conséquence directe de l'échec des négociations portant sur l'accès aux listes d'abonnés de France Télécom.

La société Iliad précise que les parties disposaient d'un cadre contractuel régissant l'accès de la société Iliad aux bases annuaires de France Télécom suite à la médiation souhaitée par la cour d'appel de Paris qui a donné lieu à un protocole d'accord signé le 14 octobre 1999 et confirmé par un contrat dont l'échéance a été fixée à novembre 2002.

La société Iliad précise que le contrat concernait la mise à disposition de la base annuaires de France Télécom et non l'accès aux listes d'abonnés de France Télécom, tel que souhaité par la société Iliad à la suite de l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 25 juillet 2001 dans l'optique de la fourniture d'un service universel de renseignements. Elle ajoute que, compte tenu de l'évolution du cadre réglementaire, elle s'est lancée dans un projet de service universel de renseignements.

Dans ces conditions, elle précise qu'à l'expiration du contrat, elle a fait part de ses attentes à France Télécom afin de parvenir à un nouveau cadre traduisant l'évolution du cadre réglementaire.

La société Iliad considère que l'affirmation selon laquelle France Télécom lui a proposé en décembre 2002, à sa signature, deux avenants basés sur l'offre de cession des données annuaires inscrite au catalogue des prix de France Télécom, est inexacte. En effet, elle soutient que la proposition de France Télécom, qui fait suite à une décision du Conseil de la concurrence, concerne un cadre bien particulier qui est celui de l'édition d'annuaires et de la fourniture de services de renseignements téléphoniques. La société Iliad indique que la proposition de France Télécom constitue une offre de cession et non une offre d'accès aux listes d'abonnés.

Dans ces conditions, la société Iliad estime que France Télécom ne peut valablement invoquer le refus d'Iliad d'une offre de cession de la base annuaires ne répondant pas à ses besoins, car elle était différente de la demande de la société Iliad. Celle-ci considère donc qu'il y a bien un échec de négociations sur sa demande visant à obtenir un accès aux listes d'abonnés de France Télécom. Ainsi, elle estime que l'existence d'une offre qui ne répond pas aux besoins de la société Iliad est bien constitutif d'un échec des négociations pour lequel l'Autorité a compétence pour trancher les litiges.


II. - La demande de la société Iliad est recevable


La société Iliad rappelle qu'il ressort des dispositions de l'article L. 33-4 du code issu de la rédaction de l'ordonnance no 2001-670 du 25 juillet 2001 que le décret auquel France Télécom fait référence ne se borne qu'à préciser et nullement déterminer les modalités d'application de l'alinéa 3 de l'article L. 33-4. La société Iliad soutient que les principes énoncés à l'article L. 33-4 s'appliquent d'eux-mêmes car ayant force de loi.

La société Iliad précise que ce décret se limite à préciser les modalités d'application, en l'occurrence les conditions techniques et tarifaires, et non sur la détermination du principe en lui-même ainsi que la compétence de l'Autorité pour trancher les différends.

La société Iliad estime que l'absence du décret d'application précisant notamment les modalités de tarification de l'accès aux listes d'abonnés dans le cadre de la fourniture d'un service universel de renseignements ne saurait soustraire France Télécom à son obligation légale de répondre, dès l'entrée en vigueur des dispositions issues de l'ordonnance du 25 juillet 2001, aux demandes justifiées d'accès à ses listes d'abonnés qui ressortent de la compétence de règlement de différends de l'Autorité.


III. - La demande d'Iliad est justifiée


La société Iliad estime que France Télécom a une perception faussée du contexte régissant la présente demande de règlement de différend. Elle indique que France Télécom semble considérer sa demande comme relevant de son offre commerciale de cession des données annuaires aux éditeurs d'annuaires, notion pourtant bien distincte de l'accès aux listes d'abonnés à des fins de fourniture d'un service universel de renseignements dans laquelle s'inscrit sa demande.

1. La demande de la société Iliad porte sur un accès aux listes d'abonnés de France Télécom et non à la base annuaires de France Télécom

La société Iliad rappelle que sa demande est relative à la fourniture d'un service universel de renseignements et non d'édition d'annuaire (papier ou en ligne) ou de fourniture de services de renseignements comme c'était le cas du cadre contractuel de 1999 qui a pris fin en novembre 2002.

La société Iliad estime que si les relations initiales entre les parties relevaient du périmètre des offres commerciales de France Télécom sur l'accès à ses bases annuaires, sa demande concerne l'accès aux listes d'abonnés de France Télécom en vue de garantir la véracité des données servant de base à un service universel de renseignements.

La société Iliad considère que France Télécom semble effectuer une confusion entre deux notions distinctes : la fourniture de services de renseignements et l'édition d'annuaire d'une part, et la fourniture d'un service universel de renseignements, d'autre part.

La société Iliad indique qu'il est nécessaire de distinguer ces deux notions car elles ne sont pas soumises aux mêmes règles. La société Iliad ne conteste pas la possibilité pour France Télécom de répondre aux attentes des fournisseurs de services de renseignements téléphoniques et éditeurs d'annuaires via une offre commerciale, dont les modalités opérationnelles, techniques et financières relèvent d'un autre cadre que celui édicté par les dispositions du code des postes et télécommunications.

La société Iliad précise que les dispositions de l'article L. 33-4 de ce même code ne font que traduire le fait que la fourniture d'un service universel de renseignements implique un accès sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, régulièrement actualisé, afin de garantir l'exhaustivité ainsi que la véracité des informations communiquées aux listes d'abonnés des différents opérateurs.

La société Iliad souligne qu'elle a sollicité les différents opérateurs afin de parvenir à un accord sur l'accès à leurs listes d'abonnés en vue de fournir un service universel de renseignements, dont la société France Télécom.

La société Iliad rappelle qu'à ce jour, l'échec des négociations avec France Télécom l'a conduite à saisir l'Autorité d'un règlement de différend.

La société Iliad considère que France Télécom, en vertu des dispositions de l'ordonnance du 25 juillet 2001, est tenue de répondre dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et orientées vers les coûts aux demandes d'accès à ses listes d'abonnés pour fournir un service universel de renseignements.

2. France Télécom ne peut se retrancher derrière une offre commerciale existante pour éluder la demande de la société Iliad

La société Iliad indique que France Télécom ne peut faire valoir que la demande d'Iliad est sans objet. Par ailleurs, elle souligne que l'objet de sa saisine n'est pas de contester l'adéquation de l'offre commerciale de « cession des données annuaires aux éditeurs d'annuaires et/ou services de renseignements téléphoniques » telle que définie en rubrique L 12 du catalogue des prix de France Télécom, mais d'établir que l'offre invoquée par France Télécom aux besoins exprimés par Iliad ne respecte pas les prescriptions légales et réglementaires relatives à l'accès aux listes d'abonnés en vue de la fourniture d'un service universel de renseignements.

La société Iliad estime que la fourniture d'un service universel de renseignements implique obligatoirement un accès, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, régulièrement actualisé afin de garantir l'exhaustivité et la véracité des informations communiquées, aux listes d'abonnés des différents opérateurs, au premier rang desquels figure France Télécom.

La société Iliad considère que l'offre de France Télécom ne répond pas à ses attentes et ne peut être considérée comme satisfaisant aux obligations légales et réglementaires de fourniture, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts des listes d'abonnés à des fins de fourniture d'un service universel de renseignements.

La société Iliad estime que France Télécom ne peut se retrancher derrière l'existence d'une offre commerciale, qui n'a pas fait l'objet d'une homologation tarifaire donnant lieu à un avis de l'Autorité pour se soustraire à ses obligations légales et réglementaires.

La société Iliad rappelle que cette offre commerciale ne relève pas d'une homologation tarifaire. Dans ces conditions, elle considère que les obligations légales d'orientation vers les coûts et l'absence de traitement discriminatoire n'ont pu être vérifiées par l'Autorité et ne sont pas garanties.

La société Iliad conclut donc aux mêmes demandes que dans son premier mémoire.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 23 mai 2003, demandant un délai supplémentaire pour transmettre ses nouvelles observations en défense ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 2 juin 2003, présentées par la société France Télécom ;

Dans ses nouvelles observations, France Télécom, à titre liminaire, souhaite démontrer, compte tenu de l'évolution des positions de la société Iliad, que l'échec des négociations n'est aucunement caractérisé dès lors que les conditions d'accès aux listes d'abonnés de France Télécom à des fins de service universel de renseignements n'ont jamais donné lieu à discussion entre les parties.

Par ailleurs, elle démontrera également que la demande de la société Iliad au titre de l'article L. 33-4 demeure irrecevable en l'absence des textes d'application auxquels le législateur a subordonné l'effectivité.

Enfin, France Télécom souhaite réitérer que son offre répond aux besoins de la société Iliad.


I. - L'échec des négociations n'est pas caractérisé

1. Sur les conditions de négociations relatives à la cession

de la base annuaires de France Télécom


France Télécom estime que la société Iliad a exposé, dans ses écritures en date du 14 mai 2003, pour la première fois sa volonté de « fournir un service universel de renseignements », et ce, en contradiction avec les nombreuses dénégations qu'elle a opposées aux interrogations de France Télécom sur les usages qu'Iliad entendait faire de sa base de données. Dans ces conditions, France Télécom soutient que la société Iliad ne saurait aujourd'hui prétendre revendiquer un quelconque échec de négociations quant aux conditions de fourniture de listes d'abonnés de France Télécom à des fins d'exploitation, dès lors qu'elle a :

- souhaité obtenir des conditions nouvelles de cession de la seule « base annuaires » ;

- réfuté tout usage alternatif à celui d'annuaire en ligne.

2. La demande des listes d'abonnés en vue de fournir un service universel de renseignements constitue une demande « distincte » et nouvelle de la part de la société Iliad

France Télécom estime que les écritures de la société Iliad et notamment ses observations en réplique, en date du 14 mai 2003, démontrent que sa demande n'a en réalité jamais été négociée de bonne foi entre les parties, celle-ci n'ayant à aucun moment formulé de requête en ce sens auprès de France Télécom.

Au regard des nouvelles écritures de la société Iliad, France Télécom constate que l'échec de négociations dont se prévaut la société Iliad n'est pas caractérisé dans le sens où celle-ci a négocié les conditions de cession de la base annuaires de France Télécom à des fins d'édition d'un annuaire en ligne uniquement. Dans ces conditions, elle considère que la demande de la société Iliad n'est pas recevable car les conditions de l'article L. 36-8 du code ne sont pas remplies.

II. - La saisine de la société Iliad est irrecevable en l'absence de règlement fixant les conditions de fourniture des listes d'abonnés ou d'utilisateurs

France Télécom constate l'absence de portée juridique des arguments de la société Iliad quant à la recevabilité de sa demande. France Télécom estime que la société Iliad méconnaît les conditions d'opposabilité des normes en droit français, mais aussi les dispositions du code.

1. Les actes législatifs explicitement subordonnés à la publication d'un décret ne sauraient être d'application directe

France Télécom conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment.

France Télécom constate que la société Iliad, dans ses écritures, juge utile d'en appeler à l'imminence de la publication du décret par les pouvoirs publics et évoque une régularisation qui pourrait intervenir a posteriori de la décision de l'Autorité. Ainsi, France Télécom considère qu'en évoquant une possible régularisation, la société Iliad entérine en pratique l'impossibilité à laquelle serait confronté le régulateur pour déterminer les conditions techniques et tarifaires de fourniture des listes d'abonnés. Sur le plan juridique, France Télécom souligne qu'une telle décision, dans la mesure où elle pourrait être démentie par la publication d'un décret, ne puiserait in fine sa légitimité dans aucune source réglementaire.

2. La demande de fourniture des listes d'abonnés au titre du service de renseignements universel est irrecevable en l'absence des textes réglementaires d'application

France Télécom indique qu'au-delà des dispositions de l'article L. 33-4 du code, il convient d'ajouter celles de l'article L. 35-4 du code qui imposent l'obligation de mise à disposition du public « d'un annuaire universel sous forme imprimée et électronique » et « d'un service universel de renseignements ». France Télécom souligne que les modalités d'application de cet article sont déterminées par un décret qui n'a pas encore été publié.

France Télécom considère donc qu'en l'absence de ce décret, la société Iliad ne peut soutenir que sa demande se situe dans le cadre d'un service universel de renseignements : les caractéristiques et les garanties de mise en oeuvre demeurent pour l'instant inconnues de même que les garanties à mettre en oeuvre. France Télécom précise que celles-ci sont déterminantes pour la fixation de modalités de fourniture des listes d'abonnés qui serviront à la constitution du service universel de renseignements et de l'annuaire universel sous forme imprimée et électronique.

France Télécom souligne que la demande de la société Iliad au titre des négociations dans ses courriers du 17 décembre 2002, du 23 janvier 2003 et du 26 février 2003 n'a été faite qu'en vue de la seule constitution d'un annuaire en ligne vocable qui ne recouvre pas la définition de l'annuaire universel dont l'intégrité doit être respectée.

France Télécom estime que si la société Iliad réclamait les données de France Télécom à des fins d'édition d'un annuaire universel, sa demande serait irrecevable à double titre :

- fournir un service universel de renseignements faute d'un décret qui doit en déterminer les modalités d'application ;

- fournir un annuaire universel sur la seule base d'un annuaire en ligne.

Enfin, France Télécom rappelle que les autorités judiciaires sont d'ores et déjà intervenues pour prendre les mesures permettant d'organiser cet accès aux listes d'abonnés et ses modalités financières au bénéfice de l'ensemble du marché.


III. - L'offre de France Télécom est adaptée

à la demande de la société Iliad

1. Une différenciation factice entre liste d'abonnés

et base annuaires


France Télécom observe qu'à aucun moment la société Iliad ne caractérise la différence réelle qui existerait entre la liste d'abonnés, dont elle réclame la fourniture au titre de l'article L. 33-4 du code, et la base annuaires de France Télécom.

Iliad ne peut prétendre négocier les conditions d'un usage unique des données de France Télécom au regard des prestations qu'elle offre

France Télécom constate que dans les observations en réplique, la société Iliad précise que le seul usage de la base de données annuaires de France Télécom qu'elle compte faire, réside dans l'exploitation d'un service de renseignements universel. Dans ces conditions, elle considère que cette présentation n'est pas conforme aux négociations entamées par la société Iliad.

France Télécom rappelle que l'édition d'annuaires en ligne est l'une des activités principales du groupe Iliad via l'exploitation des services 36-17 annu ou annu.com. En outre, elle note que la seule matière première dont la société Iliad a besoin pour assurer l'édition de ses annuaires en ligne est précisément la base de données annuaires de France Télécom.

France Télécom indique que le service Teletel 36-17 annu représente 13 % du chiffre d'affaires de la société Iliad, représentant un résultat net positif de 23,3 millions d'euros. France Télécom précise que l'usage que la société Iliad entend faire de la liste d'abonnés ne saurait se borner en pratique au service universel de renseignements auquel elle prétend destiner ces informations.

France Télécom rappelle, d'une part, que la société Iliad a elle-même concédé dans sa saisine être présente sur plusieurs marchés, d'autre part, que la demande de la société Iliad n'a pas une vocation ni une destination distincte et exclusive de l'activité d'édition d'annuaires.

France Télécom précise que les négociations engagées entre les parties au mois de décembre avaient pour objectif de définir un nouveau contrat destiné à assurer la continuité du contrat triennal de cession de la base annuaires parvenu à échéance en novembre 2002.

France Télécom indique que la société Iliad a souhaité renégocier en décembre 2002 les conditions tarifaires de l'accord initial au motif qu'elle souhaitait pourvoir à un usage unique au profit de son annuaire en ligne des données qui lui seraient cédées par France Télécom.

France Télécom considère en effet qu'il serait illégitime que la société Iliad continue d'exploiter la liste des abonnés de France Télécom sans s'acquitter des contreparties financières dans les conditions non discriminatoires, équitables et reflétant le coût de la prestation.

Dans ces conditions, France Télécom estime que la distinction que la société Iliad revendique au titre de sa saisine, entre ses activités d'annuaires et de fournitures de service de renseignements et celle de service universel de renseignements, est purement opportuniste.

France Télécom précise que, conformément à la décision no 02-D-41 du 26 juin 2002 du Conseil de la concurrence, elle a établi une offre de fourniture à sa base (complète ou partielle) en considération des marchés sur lesquels l'éditeur exerce ses activités. Ainsi, France Télécom indique qu'elle a soumis un contrat à la société Iliad pour les différents usages identifiés. Elle souligne que contrairement aux affirmations de la société Iliad tirées du procès-verbal d'audition du 11 avril 2003, les tarifs de cessions des bases dépendent du nombre des usages et non du « type d'usage qui est fait des données annuaires ».

France Télécom prend acte de l'incohérence des positions de la société Iliad lorsque cette dernière ne requiert les listes d'abonnés qu'à la seule fin de fourniture d'un service de renseignement universel, et France Télécom s'interroge sur le sens de la désactivation de la mise à jour de ses bases annuaires. France Télécom souligne que les conditions de cet usage relèvent, selon la société Iliad, d'une logique commerciale distincte pour laquelle elle reconnaît « l'adéquation aux besoins des éditeurs d'annuaires et fournisseurs de services de renseignements téléphoniques ainsi que le respect des obligations réglementaires ».


Une offre conforme aux besoins de la société Iliad


France Télécom rappelle que la société Iliad bénéficie depuis novembre 1999 d'un contrat de cession des bases annuaires de France Télécom et qu'elle exploite depuis trois ans cette offre.

France Télécom constate que la demande de la société Iliad est motivée par la volonté d'obtenir des conditions tarifaires plus favorables ; or ces conditions ont été visées par les autorités réglementaires et le Conseil de la concurrence.

France Télécom indique que dans ses observations en réplique, la société Iliad ne conteste plus le bien-fondé de l'offre de cession de sa base annuaires de France Télécom, mais l'adéquation de cette offre par rapport à ses attentes.

France Télécom considère que la société Iliad tente de démontrer que sa demande concernerait une offre différente nécessaire à la fourniture d'un service universel de renseignements et dont les conditions demeurent à définir par l'Autorité. Dans ces conditions, France Télécom souligne que seule sa base annuaires est en mesure de répondre totalement aux attentes de la société Iliad.

France Télécom indique que la base annuaires est constituée de toutes les inscriptions relatives aux abonnés au téléphone fixe de France Télécom et que la mise à jour de cette base est quotidienne. France Télécom précise que sa base annuaires permet de réaliser des annuaires, papier ou électroniques, de fournir des services de renseignements, de communiquer des listes de noms, d'adresses, de professions à des fins de marketing direct : c'est un produit fini directement exploitable par les éditeurs. Selon France Télécom, aucune autre base n'est susceptible de fournir de telles données ; il s'agit d'un outil unique permettant de traiter des données en fonction des produits.

France Télécom précise que seule sa base d'annuaires contient de manière précise et explicite tous les abonnés et l'ensemble des souhaits de parution ou demandes d'opposition des clients en conformité avec l'article L. 33-4 du code.

France Télécom indique que sa base annuaires représente l'unique liste récapitulant la liste des abonnés, mais aussi des utilisateurs d'un même numéro comme le prévoit le code des postes et télécommunications. France Télécom note que la différenciation qu'établit Iliad entre la base annuaires et la liste des abonnés est de pure forme dans la mesure où seule la base annuaires est susceptible de garantir l'universalité des données indispensables à ce service.


Une offre conforme aux obligations réglementaires


France Télécom remarque que la société Iliad qualifie la prestation de « cession de données annuaire aux éditeurs d'annuaires et/ou services de renseignements téléphoniques » supportée par France Télécom d'« offre commerciale ». Or, elle considère que cette qualification vise à jeter un discrédit et la confusion sur une offre qui est élaborée par France Télécom pour satisfaire ses obligations et répondre à toutes les exigences réglementaires.

France Télécom indique que même si la prestation supportée par France Télécom est soumise à un « cadre » différent, cela ne signifie pas que les dispositions contenues dans ce cadre seraient discordantes avec celles s'appliquant actuellement à l'offre de France Télécom au regard de la réglementation et du droit de la concurrence.

France Télécom souligne que son offre obéit à des règles strictes, dont la société Iliad dénonce les profondes différences avec celles devant s'appliquer à la fourniture de la liste des abonnés au profit d'un service universel de renseignements, « ces deux notions ne sont pas soumises aux mêmes règles ». Or, France Télécom rappelle que ces règles ont été rappelées par le Conseil de la concurrence qui lui-même citait la cour d'appel de Paris dans sa décision du 26 juin 2002 « relative au respect de l'injonction prononcée à l'encontre de la société France Télécom par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 ».

France Télécom estime que les conditions de l'offre (obligation de fourniture, l'orientation vers les coûts, la non-discrimination) ne sont pas les signes distinctifs d'une offre « commerciale » motivante, attractive et souhaitée par France Télécom, mais bien l'indice évident d'une réglementation des conditions techniques et tarifaires de fourniture de cette offre.

France Télécom précise que la contrainte qui s'exerce sur l'offre qu'elle se doit de fournir aux éditeurs au titre de la réglementation sectorielle n'est aucunement nouvelle, contrairement à ce que prétend la société IIiad.

France Télécom s'interroge sur l'opposition que fait la société Iliad entre « accès aux bases annuaires » et « accès aux listes d'abonnés ». France Télécom estime que ces deux notions se confondent malgré l'exercice sémantique qu'établit la société Iliad pour tenter de démontrer l'existence d'une différence fondamentale entre base annuaires et liste d'abonnés en vue de fournir un service universel de renseignements.


2. Une instrumentalisation de la procédure

de règlement de différend


France Télécom constate que la société Iliad se dit satisfaite de la prestation de France Télécom consistant à mettre à sa disposition la base annuaires de ses abonnés, mais affirme que sa demande de règlement de différend est tout autre. Elle estime qu'il s'agit bien des conditions techniques et tarifaires de l'usage de cette base qui ont été contestées par la société Iliad.

France Télécom rappelle que la proposition de contrat qui a été adressée à la société Iliad lui permet de bénéficier de la prestation satisfaisant ses besoins opérationnels en toute transparence, sans discrimination, avec un tarif orienté vers les coûts inférieurs à ce que la cour d'appel avait imposé à Iliad jusqu'alors, lui permettant d'accroître les bénéfices qu'elle dégage sur ses activités d'annuaire en ligne et de renseignements téléphoniques.

France Télécom indique que l'article 5 du contrat de mise à disposition des données annuaires de France Télécom aux fins d'édition d'annuaires et de service de renseignements prévoit que « les données de la base annuaires seront communiquées pour la première fois le 2 novembre 1999 et qu'à l'issue de cette période de trois ans, le présent contrat se renouvellera par période d'un an, sauf dénonciation par l'une des parties par lettre recommandée avec AR [avis de réception], un mois avant le terme de la période considérée ».

France Télécom précise que la société Iliad ne peut soutenir à la fois que l'offre qu'elle demande serait différente de l'offre de cession à laquelle elle a souscrit auprès de France Télécom et chercher dans le même temps à renégocier les conditions de cession des bases annuaires dont elle a suspendu le paiement des factures unilatéralement sans en avoir dénoncé les termes selon le calendrier fixé par les parties.

France Télécom considère qu'il est inadmissible que la société Iliad s'exonère de son obligation de paiement au motif qu'elle aurait saisi l'Autorité d'une contestation des tarifs considérés, bien que France Télécom continue de lui payer plusieurs millions d'euros tous les bimestres au titre des reversements télématiques relatifs au 36-17 annu.

Conformément à ses précédentes observations, France Télécom conclut donc aux mêmes fins.

Vu la décision no 2003-718, en date du 12 juin 2003, prorogeant d'un mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant la société Iliad à France Télécom ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 23 juin 2003, convoquant les parties à une audience devant le collège le 10 juillet 200 ;

Vu le courrier de la société France Télécom, enregistré le 30 juin 2003, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Iliad, enregistré le 4 juillet 2003, souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 7 juillet 2003, adressée aux parties, les informant de l'annulation de l'audience du 10 juillet 2003 ;

Vu la décision no 2003-823, en date du 10 juillet 2003, prorogeant de deux mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant la société Iliad à France Télécom ;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique, en date du 7 août 2003, adressant un questionnaire aux parties et fixant au 5 septembre 2003 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu le courrier de la société France Télécom, enregistré le 11 août 2003, concernant le questionnaire du rapporteur ;

Vu le courrier du directeur général, en date du 26 août 2003, adressé aux parties ;

Vu les réponses des parties au questionnaire du rapporteur, enregistrées le 5 septembre 2003 ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 8 septembre 2003, convoquant les sociétés France Télécom et Iliad à une audience devant le collège le mardi 16 septembre 2003 ;

Vu le courrier de la société France Télécom, enregistré le 11 septembre 2003, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Iliad, enregistré le 12 septembre 2003, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier du chef du service juridique, en date du 15 septembre 2003, adressé aux parties, leur transmettant la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre 2003 susvisée et leur demandant des observations pour le 18 septembre 2003 ;

Après avoir entendu le 16 septembre 2003, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. François Lions, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Michaël Boukobza et Alexandre Archambault, pour la société Iliad ;

- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et Jean-Claude Sartre, pour la société France Télécom ;

En présence de :

- MM. Franck Brunel, Alexandre Archambault, Michaël Boukobza, pour la société Iliad ;

- MM. Jean-Daniel Lallemand, Philippe Trimborn, Gabriel Lluch, Jean-Claude Sartre, pour la société France Télécom ;

- MM. Jean Marimbert, directeur général, François Lions, Loïc Taillanter, Matthias Collot, Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, Frédérique Vallet, agents de l'Autorité ;

Vu les réponses des parties enregistrées le 18 septembre 2003 transmettant leurs observations sur la décision du Conseil de la concurrence ;

Le collège en ayant délibéré le 23 septembre 2003, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :


I. - Sur la recevabilité de la demande

1. Sur la régularité de la procédure


En premier lieu, la société France Télécom, dans un courrier en date du 11 août 2003, soutient que la corrélation entre le questionnaire du rapporteur et la publication au Journal officiel le 6 août 2003 du décret no 2003-752 « relatif aux annuaires universels et aux services de renseignements et modifiant le code des postes et télécommunications » postérieurement à la saisine d'Iliad, préjuge à l'évidence de la suite susceptible d'être donnée à la question de la recevabilité qui demeure pendante devant l'Autorité. En outre, elle estime que le questionnaire transmis aux parties, en plaçant au coeur du débat les dispositions de ce décret, anticipe la solution qui pourrait être retenue en l'espèce par le régulateur.

Or, comme cela a été souligné auprès de la société France Télécom par un courrier du directeur général, en date du 26 août 2003, il résulte des pièces du dossier que l'Autorité ne s'est en aucun cas prononcée, au stade du questionnaire, sur la recevabilité de la demande de la société Iliad en vertu de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. Le questionnaire du rapporteur s'est limité à inviter les parties à fournir des explications nécessaires à la solution du différend en application de l'article 12 du règlement intérieur de l'Autorité et n'a pas eu pour objet d'anticiper, ni sur la recevabilité de la demande, ni sur la solution du litige. En outre, la référence, dans le questionnaire, au décret susvisé procède d'un souci légitime et de bonne administration de la procédure de règlement de différend, celui de prendre en compte, dans le respect du contradictoire, l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions réglementaires dans le cours de la procédure.

En second lieu, dans ce même courrier, la société France Télécom considère qu'il ressort des dispositions de l'article 14 du règlement intérieur qu'à la date du 10 juillet 2003, date correspondant à l'audition des parties devant le collège de l'Autorité, il n'appartenait plus au rapporteur d'ouvrir de nouvelles mesures d'instruction, l'ensemble des pièces du dossier ayant été communiqué aux membres du collège. Elle estime que l'instruction était ainsi formellement close.

L'Autorité rappelle que comme le lui permettent les dispositions des articles L. 36-8 et R. 11-1 du code des postes et télécommunications, elle a estimé nécessaire, dans sa décision no 2003-823 en date du 10 juillet 2003, au vu de la demande de règlement de différend, des observations déjà produites, de la nature des questions soulevées et de l'état d'instruction du dossier, de proroger de deux mois supplémentaires, c'est-à-dire jusqu'au 24 septembre 2003, le délai dans lequel elle se prononcerait sur le différend opposant les sociétés Iliad et France Télécom. En outre, les termes du courrier du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 7 juillet 2003, qui indiquent le report de l'audience du 10 juillet 2003 à une date ultérieure, ne mentionnent en aucune façon la clôture formelle de l'instruction de ce litige.

Enfin, la société France Télécom, dans un courrier du 18 septembre 2003 transmettant à l'Autorité ses observations sur la décision du 12 septembre 2003 du Conseil de la concurrence, soutient que la transmission aux parties par l'Autorité, le 15 septembre 2003, de la décision du Conseil de la concurrence pour observations, est incompatible avec les dispositions du règlement intérieur de l'Autorité selon lequel il est préalablement procédé à la clôture des mesures d'instruction et des échanges écrits avant convocation des parties à l'audience.

L'Autorité rappelle que France Télécom, dans un communiqué de presse en date du 14 septembre 2003, a rendu publiques les principales dispositions de la décision no 2003-D-43 du 12 septembre 2003 relative au respect des injonctions prononcées à l'encontre de la société France Télécom par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999. Cette décision concerne des prestations analogues à celles qui sont en cause dans la présente demande de règlement de différend.

Dans ces conditions, eu égard aux faits constatés par le Conseil de la concurrence, dans cette décision du 12 septembre 2003, non dépourvus de tout lien avec le présent litige, il est apparu nécessaire au rapporteur, afin de garantir le principe du respect du contradictoire, de transmettre la décision du Conseil de la concurrence aux parties. Cette transmission, avant l'audience devant le Collège, a permis à la société Iliad de prendre connaissance de la décision du Conseil de la concurrence, dans laquelle elle n'était pas partie à la différence de la société France Télécom.

Si la société France Télécom a allégué auprès de l'Autorité le non-respect de son règlement intérieur, l'Autorité relève qu'aucune disposition du règlement intérieur n'exclut la possibilité pour le rapporteur de communiquer, avant l'audience, des éléments nouveaux susceptibles d'être pris en compte dans le cadre d'un règlement de différend. Au cas d'espèce, les tenues mêmes de la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre pouvaient constituer des éléments nouveaux sur lesquels l'Autorité était susceptible de s'appuyer.

2. Sur l'exception d'incompétence tirée de l'absence de publication du décret d'application de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications

La société France Télécom, dans ses observations en défense, soutient que l'Autorité est incompétente pour statuer sur la demande présentée par la société Iliad, car l'application de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications est conditionnée par la publication d'un décret en Conseil d'Etat, qui n'a pas encore été publié. Ainsi, la société France Télécom considère que les dispositions du code des postes et télécommunications, en l'absence de décret d'application, ne sont pas applicables et ne peuvent donc utilement être invoquées par la société Iliad à l'appui de sa saisine.

Aux termes de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications issu de la rédaction de l'article 17 de l'ordonnance no 2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit communautaire du code de la propriété intellectuelle et du code des postes et télécommunications : « La publication des listes d'abonnés ou d'utilisateurs des réseaux ou services de télécommunications est libre, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées. (...)

Sur toute demande présentée en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel des renseignements, même limitée à une zone géographique déterminée, les opérateurs sont tenus de communiquer, dans des conditions non discriminatoires et à un tarif reflétant les coûts du service rendu, la liste de tous les abonnés ou utilisateurs auxquels ils ont affecté, directement ou par l'intermédiaire d'un distributeur, un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation prévu à l'article L. 34-10. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, précise les modalités d'application du présent alinéa.

Les litiges relatifs aux conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'alinéa précédent peuvent être soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications conformément à l'article L. 36-8. »

L'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications dispose :

I. - En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.

L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés. (...)

II. - L'Autorité de régulation des télécommunications peut également être saisie des différends portant sur :

(...) 3° les conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'article L. 33-4.

Elle se prononce sur ces différends dans des conditions de forme et de procédure prévues au I. (...). »

En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 33-4 que les litiges relatifs aux conditions techniques et tarifaires de cession des listes d'abonnés à des fins d'annuaires et de renseignements universels peuvent être soumis à l'Autorité conformément à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. En effet, en vertu des dispositions du II de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications issues de la rédaction de l'article 17 de l'ordonnance no 2001-670 du 25 juillet 2001 susvisée, l'Autorité est compétente pour traiter les différends portant sur les conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévues à l'article L. 33-4 de ce même code.

En second lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications susvisé qu'un décret en Conseil d'Etat doit préciser les modalités d'application de cet article et en particulier les conditions techniques et tarifaires de la fourniture d'abonnés à des fins d'annuaires et de renseignements universels.

L'Autorité note que le décret précisant les modalités d'application de l'article L. 33-4, décret en date du 1er août 2003 relatif aux annuaires universels et aux services universels de renseignements et modifiant le code des postes et télécommunications, a été publié le 6 août 2003 au Journal officiel de la République française, soit postérieurement à la saisine de la société Iliad.

Il s'ensuit donc que l'Autorité est compétente, sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 33-4 et L. 36-8 du code des postes et télécommunications, pour régler le présent différend entre les parties. Ainsi, le moyen invoqué par France Télécom est en tout état de cause devenu sans objet.

3. Sur l'exception de l'incompétence tirée de ce que la demande de la société Iliad a d'ores et déjà été tranchée par les autorités judiciaires

France Télécom soutient que l'Autorité ne saurait faire droit à la demande de la société Iliad car la Cour de cassation et la cour d'appel de Paris, à la suite de recours contre une décision du Conseil de la concurrence, ont d'ores et déjà tranché la question en fixant les conditions de l'accès à la base annuaires de France Télécom.

Il résulte des dispositions de l'article L. 36-8 précitées, telles qu'interprétées par la décision no 96-378 DC du 23 juillet 1996 du Conseil constitutionnel, que l'Autorité prend une décision motivée qui s'impose aux parties et qui précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'article L. 33-4 doit être assurée.

Le législateur, en confiant à l'Autorité le pouvoir de trancher des différends qui peuvent également donner lieu à litige devant le juge de droit commun ou devant le Conseil de la concurrence, a entendu organiser des compétences complémentaires au bénéfice de la concurrence dans le secteur des télécommunications. Il ne découle ni de la lettre, ni de l'esprit des dispositions de l'article L. 36-8, que l'existence d'une décision du Conseil de la concurrence puisse faire obstacle à ce que l'Autorité exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus par le législateur lorsqu'elle est saisie sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 36-8.

S'il appartient au Conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante, de sanctionner des pratiques anticoncurrentielles au regard des dispositions législatives de portée générale qu'il a pour mission d'appliquer pour sauvegarder la concurrence, ces attributions ne font pas obstacle à ce que l'Autorité puisse, en vertu du pouvoir que le législateur lui a dévolu, régler en équité un différend existant entre deux parties quant aux modalités techniques et financières dans lesquelles la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'article L. 33-4 doit être assurée et préciser les conditions équitables qui se substitueront à la volonté initiale des cocontractants.

Il ressort des pièces versées au dossier que le Conseil de la concurrence, par la décision no 98-D-60 du 29 septembre 1998, saisi par la société Filetech, avait enjoint à la société France Télécom, de fournir, « dans des conditions identiques à toute personne qui lui en fait la demande, dans un délai de six mois, et jusqu'à la mise en service de l'organisme prévu par l'article L. 35-4 du code des postes et télécommunications chargé de tenir à jour la liste de l'annuaire universel, la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l'annuaire universel et de proposer un service permettant la mise en conformité des fichiers contenant des données nominatives détenues par des tiers avec la liste orange des abonnés au téléphone, que ces fichiers soient ou non directement extraits de la base annuaires ». En outre, le Conseil de la concurrence avait également enjoint France Télécom de fournir « ces prestations dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires à un prix reflétant les coûts liés aux opérations techniques de "déduplication ou de topage de ces fichiers, à l'instar de la prestation prévue au catalogue de France Télécom à la rubrique L. 13 qui prévoit la mise en conformité des fichiers tiers externes avec la liste safran et la déduplication ou le topage de ces fichiers ».

Il ressort également des pièces du dossier que France Télécom avait formé un recours contre la décision du Conseil de la concurrence devant la cour d'appel de Paris. Celle-ci, par un arrêt du 29 juin 1999, avait prononcé des injonctions quasi identiques à celles formulées par le Conseil de la concurrence dans la décision susmentionnée. La Cour de cassation, le 4 décembre 2001, a rejeté le pourvoi formé par France Télécom contre cet arrêt.

En outre, l'Autorité relève que les sociétés Fonecta France et Scoot France ont saisi le Conseil de la concurrence d'une demande relative au respect de l'injonction prononcée à l'encontre de la société France Télécom par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999. Ainsi, par la décision no 02-D-41 du 26 juin 2002, le Conseil de la concurrence a constaté que France Télécom n'avait pas respecté l'intégralité de cette injonction (orientation vers les coûts de la consultation de la base annuaires via les services offerts par la société Intelmatique et caractère non discriminatoire des prix de cession des données annuaires en fonction des utilisateurs). De plus, le Conseil de la concurrence a sursis à statuer pour une autre partie de l'injonction (orientation vers les coûts des tarifs de l'activité de gestionnaire de fichier) et a ordonné une expertise à l'issue de laquelle il s'est prononcé par la décision no 03-D-43 du 12 septembre 2003.

Ainsi, la circonstance que le Conseil de la concurrence a adopté plusieurs décisions relatives aux conditions de l'accès à la base annuaires de France Télécom, qui n'ont ni le même objet ni les mêmes effets que la présente décision de règlement de différend alors même qu'elles concernent des prestations analogues, est sans incidence sur la compétence de l'Autorité pour trancher un différend sur le fondement des dispositions sus-rappelées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. En outre, ces décisions ont été rendues à la suite de saisines dont les auteurs sont distincts de la société ayant demandé le présent règlement de différend.

4. Sur l'exception d'irrecevabilité tirée de l'absence d'échec des négociations commerciales entre la société France Télécom et la société Iliad

En vertu de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « I. - En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. (...) Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés. (...) ».

En outre, ce même article prévoit également que : « II. - L'Autorité de régulation des télécommunications peut également être saisie des différends portant sur :

(...) 3° les conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'article L. 33-4.

Elle se prononce sur ces différends dans des conditions de forme et de procédure prévues au I. (...) »

Au cas d'espèce, la société France Télécom soutient que la demande de règlement de litiges déposée par la société Iliad le 24 mars 2003 est irrecevable dès lors que les conditions d'accès aux listes d'abonnés de France Télécom à des fins de service universel de renseignements n'ont jamais donné lieu à discussion entre les parties.

Il ressort des pièces du dossier que les négociations ont commencé entre les parties par un courrier électronique en date du 11 décembre 2002. En effet, par ce courrier électronique, le directeur financier de la société Iliad indiquait que son entreprise souhaitait utiliser la base de données annuaire de France Télécom et sollicitait dans ces conditions « un contrat base annuaires mono usage à des fins d'annuaire électronique pour une durée de trois ans ».

Dans sa réponse à ce courrier électronique en date du 16 décembre 2002, France Télécom souhaitait savoir, d'une part, si sa base annuaires ne servait qu'à un seul et unique usage, à savoir celui d'un annuaire en ligne, et d'autre part, si le service de renseignement 32-17 fourni par Iliad allait être fermé.

A la suite de ce courrier électronique de France Télécom, la société Iliad, dans un courrier en date du 17 décembre 2002, demandait une nouvelle fois à France Télécom la transmission d'un contrat de concession de sa base annuaires pour un unique usage d'annuaire en ligne. Elle souhaitait également que ce contrat soit conforme à l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999. Ainsi, se fondant sur cet arrêt, la société Iliad estimait que les prestations de France Télécom devaient être proposées dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires et à un prix orienté vers les coûts. En outre, dans ce même courrier, la société Iliad considérait que la grille tarifaire relative à la cession des données annuaires téléphone fixe, à des fins d'édition d'annuaires et/ou de services de renseignement, publiée à la rubrique L 12 du catalogue des prix de France Télécom, devait faire l'objet d'une homologation du ministre chargé des télécommunications. Enfin, la société Iliad indiquait qu'elle bloquerait le paiement de toute facture dans l'attente de ce contrat et précisait que ce courrier valait mise en demeure.

En réponse à ce courrier, France Télécom, le 23 janvier 2003, soulignait qu'elle ne pouvait donner une suite favorable à la société Iliad pour sa demande de contrat pour un usage. En effet, France Télécom précisait que les tarifs de cession de la base annuaires tenaient désormais compte du nombre d'usages réellement faits. Or, France Télécom indiquait que l'activité de la société Iliad, telle que connue par les services de France Télécom, couvrait actuellement deux usages : l'édition d'un annuaire en ligne (annu.com et 36-17 annu) et un service de renseignement via le 32-17. Dans ces conditions, dans un souci de n'opérer aucune discrimination entre ses clients, France Télécom ne pouvait transmettre à la société Iliad un contrat qui, dans le cadre de ses activités actuelles, ne pouvait lui être appliqué. En outre, sur la question de l'homologation des nouveaux tarifs, France Télécom, dans ce même courrier, précisait que conformément à la position exprimée par le commissaire du Gouvernement lors de la séance du 5 novembre 2002 du Conseil de la concurrence, elle avait abandonné la procédure d'homologation qu'elle avait initialement envisagée pour s'en tenir à une simple information des autorités de tutelle.

Par un courrier également en date du 23 janvier 2003, la société Iliad réitérait l'ensemble des demandes qu'elle avait indiqué dans son courrier du 17 décembre 2002 (un contrat de concession de la base annuaires France Télécom pour un unique usage d'annuaire en ligne, un contrat conforme à l'arrêt du 29 juin 1999 de la cour d'appel de Paris). Elle indiquait aussi qu'elle ne faisait plus de mise à jour depuis près de deux mois et subissait en conséquence un préjudice incontestable et significatif pour lequel elle demandait une indemnisation à France Télécom.

En réponse à ce courrier, France Télécom, le 17 février 2003, invitait la société Iliad à se référer à sa réponse du 23 janvier 2003. Elle ajoutait être très surprise du fait que la société Iliad se prévalait de l'existence d'un préjudice que lui aurait causé France Télécom et souhaitait en conséquence une indemnisation pour l'absence de mise à jour de sa base. En effet, France Télécom estimait que toutes les prestations mentionnées au contrat ont été honorées.

Au surplus, le courrier du 26 février 2003 de la société Iliad à France Télécom dans lequel elle réitère ses demandes et soutient que France Télécom, en vertu de l'article 17 de son cahier des charges prévu par le décret du 27 décembre 1996, était soumise à un devoir d'homologation pour ces tarifs de base d'annuaire, confirme le refus de France Télécom de lui transmettre un « contrat base annuaires mono usage à des fins d'annuaire électronique ».

Il s'ensuit que les échanges ci-dessus relatés démontrent un échec des négociations quant à la conclusion d'un accord relatif à la cession de listes d'abonnés en vue de fournir un service universel de renseignements et l'édition d'un annuaire universel.

Toutefois, France Télécom estime, lors de l'audience en date du 16 septembre 2003, que les négociations commerciales sur cette question ne pouvaient avoir eu lieu en l'absence de publication du décret d'application de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications. Dans ces conditions, elle soutient qu'elle n'a pu négocier effectivement avec d'autres acteurs sur les conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'article L. 33-4.

Or, il ressort du procès-verbal de l'audition du 11 avril 2003, organisée par le rapporteur et signé par les représentants de France Télécom, que ceux-ci n'ont pas contesté avoir négocié avec la société Iliad sur le principe même de l'édition d'un annuaire universel ou la fourniture d'un service universel de renseignements. En effet, les représentants de France Télécom indiquent « qu'ils ne disposent pas d'informations pour mettre en doute l'intention déclarée d'Iliad d'éditer un annuaire universel de façon à se placer dans le champ d'application de l'article L. 33-4 correspondant à son offre ».

Ainsi, il ressort des pièces du dossier que les deux parties avaient bien eu l'intention de négocier sur la conclusion d'un accord relatif à la cession de listes d'abonnés en vue de fournir un service universel de renseignements et l'édition d'un annuaire universel.

Dans ces conditions, la circonstance que le décret no 2003-752 « relatif aux annuaires universels et aux services de renseignements et modifiant le code des postes et télécommunications » ait été publié au Journal officiel le 6 août 2003, c'est-à-dire postérieurement à la saisine de la société Iliad, est sans incidence sur la recevabilité de la demande de la société Iliad.

Ainsi, il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu pour l'Autorité de statuer sur le différend entre la société Iliad et la société France Télécom.

II. - Sur la conformité de l'offre L 12 aux prescriptions législatives et réglementaires relatives à l'offre mentionnée à l'article L. 33-4 du code

Aux termes de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications, « sur toute demande en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements, même limitée à une zone géographique déterminée, les opérateurs sont tenus de communiquer, dans des conditions non discriminatoires et reflétant les coûts du service rendu, la liste de tous les abonnés ou utilisateurs auxquels ils ont affecté, directement ou par l'intermédiaire d'un distributeur, un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation prévu à l'article L. 34-10. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, précise les modalités d'application du présent alinéa ».

La société Iliad, dans ses écritures, demande à l'Autorité de constater que l'offre de cession des données annuaires aux éditeurs annuaires et/ou services de renseignement téléphonique, telle que proposée par France Télécom en rubrique L 12 de son catalogue de prix, ne respecte pas les prescriptions définies par l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications et ne répond pas aux besoins relatifs à l'accès aux listes d'abonnés en vue de fournir un service universel de renseignements.


1. Les caractéristiques de l'offre L 12


L'Autorité relève que l'offre L 12 mise en cause par Iliad est une modalité d'accès à la liste des abonnés au téléphone de France Télécom, laquelle constitue, selon l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999, « une ressource à laquelle aucune autre base de données ne pouvait être substituée ». La cour d'appel de Paris a en conséquence enjoint à la société France Télécom d'établir des conditions d'accès à cette liste qui soient transparentes, objectives et non discriminatoires et à un prix orienté vers les coûts.

Il ressort des pièces du dossier que, comme le relève le Conseil de la concurrence dans sa décision du 26 juin 2002 susvisée, France Télécom, en tant que gestionnaire de ses listes d'abonnés, offre plusieurs modalités d'accès :

- la cession de la base annuaires à usage de marketing direct ;

- la cession de la base annuaires à usage de renseignement par la mise à disposition de la base annuaires ;

- l'accès à la base annuaires à usage de renseignement par la consultation en ligne des données annuaire, via la société Intelmatique.

L'Autorité note que l'offre L 12 correspond à la seconde de ces modalités ; elle se distingue de la consultation en ligne des données annuaires par le fait qu'elle consiste en une mise à disposition annuelle d'une partie ou de la totalité de la base avec la possibilité de mises à jour, mensuelles, hebdomadaires, ou quotidiennes.

Cette offre de cession de base annuaires de France Télécom, qui est publique, a été modifiée en novembre 2002 et figure au catalogue de prix disponible sur le site Internet de France Télécom.

Elle comporte une offre d'accès à des bases complètes décrites ci-dessous, ainsi qu'à des sous-ensembles de ces bases, intéressant notamment les éditeurs d'annuaires exerçant une activité sur une zone géographique plus réduite que le territoire national. Dans ce dernier cas, la facturation se fait à la donnée.

Elle fait l'objet d'une tarification dépendant du nombre de type d'usages (« annuaire électronique », « annuaire imprimé », « service de renseignements ») avec une dégressivité au nombre de types d'usage, les tarifs relatifs à l'offre « 1 usage » étant moitié de ceux relatifs à l'offre « 3 usages » et les tarifs relatifs à l'offre « 2 usages » étant 25 % moins élevés que ceux relatifs à l'offre « 3 usages », France Télécom a confirmé, lors de l'audience du 16 septembre 2003, que la nature de l'usage n'est pas pris en considération dans le décompte du nombre de types d'usage : « 1 usage » désignant tout usage parmi les trois et « 2 usages » désignant tout couple d'usage parmi les trois.

La tarification dépend également de la fréquence de mise à jour qui peut être mensuelle, hebdomadaire ou quotidienne ainsi que, dans le cas de la cession de listes complètes, des différentes listes qui peuvent être communiquées : « Base de particuliers avec la liste chamois », « Base des professionnels », « Base totale sans rubrique professionnelle », « Base totale avec rubrique professionnelle ».

L'Autorité a examiné la conformité de cette offre au regard :

- des fonctionnalités requises au titre de l'offre mentionnée à l'article L. 33-4 ;

- des conditions d'orientation des tarifs vers les coûts et de non-discrimination qui s'attachent à cette offre.


2. En ce qui concerne les fonctionnalités


Dans son mémoire en réplique du 2 juin 2003, la société France Télécom précise que l'offre L 12 constitue « la seule liste d'abonnés tenue à jour par France Télécom qui contienne de manière précise et explicite tous les abonnés et l'ensemble des souhaits de parution ou des demandes d'opposition des clients en conformité avec l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications ».

France Télécom confirme, dans sa réponse au questionnaire adressé à la suite de la publication du décret d'application de l'article L. 33-4, qu' « il est facile de constater que les conditions techniques de l'offre figurant à l'article L 12 du catalogue des prix de France Télécom permettent de satisfaire aux nouvelles dispositions du code des postes et télécommunications qui résultent du décret no 2003-752 du 1er août 2003, pour ce qui concerne les abonnés au téléphone fixe de France Télécom ».

Il ressort des pièces du dossier que la société Iliad a, de son côté, utilisé jusqu'à la fin de l'année 2002 cette offre et a précisé, lors de l'audition par le rapporteur en date du 11 avril 2003, qu'elle considérait l'offre comme satisfaisante sur le plan technique et opérationnel. S'agissant des fréquences de mise à jour, Iliad a demandé de laisser cette question à l'appréciation des parties, « garantissant au minimum une mise à jour mensuelle ». L'Autorité observe que les trois fréquences de mise à jour prévues par France Télécom dans son offre L 12 paraissent raisonnables, au vu des besoins de la société Iliad.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'offre L 12 méconnaisse sur le plan des fonctionnalités les exigences réglementaires prévues par l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications et par son décret d'application, à savoir le décret du 1er août susvisé.

Au demeurant, l'Autorité observe que, si cette offre a donné lieu à des contentieux auprès du Conseil de la concurrence, c'est en matière tarifaire et non sur le plan des fonctionnalités.


3. Sur le plan tarifaire


Il résulte de l'article L. 33-4 que l'offre doit se faire dans « dans des conditions non discriminatoires et à un tarif reflétant les coûts du service rendu ».

L'Autorité a donc examiné :

- la question de l'orientation des tarifs vers les coûts ;

- la question de la non-discrimination.


4. L'orientation des tarifs vers les coûts


L'Autorité rappelle que cette disposition doit se traduire :

- en premier lieu, par un équilibre global entre les revenus et les coûts déterminés sur le périmètre considéré ;

- en second lieu, par une structure tarifaire qui soit pertinente au regard des inducteurs de coût, quand ces derniers peuvent être établis et traduits en unité de tarification.

Sur le périmètre des coûts à retenir :

L'article R. 10-6 du code issu de la rédaction des dispositions du décret du 1er août 2003 susvisé publié au Journal officiel du 6 août 2003 dispose que :

« La communication des listes d'abonnés et d'utilisateurs par application du troisième alinéa de l'article L. 33-4 donne lieu à rémunération des opérateurs ayant communiqué ces données. Les tarifs des cette communication, qui reflètent le coût du service rendu, sont établis par chaque opérateur selon les principes suivants :

1. Les coûts pris en compte pour la fixation du tarif sont ceux qui sont causés, directement ou indirectement, par la fourniture des listes d'abonnés. Ces coûts peuvent notamment comprendre une part liée à l'amortissement du matériel informatique et des logiciels nécessaires et une rémunération normale des capitaux employés ;

2. Les coûts qui sont spécifiques à la fourniture des listes d'abonnés sont entièrement pris en compte dans la fixation des tarifs. Les coûts liés à d'autres activités de l'opérateur en sont exclus. »

Dans le cadre de la présente demande de règlement de différend, l'Autorité a examiné les implications de ces dispositions en ce qui concerne les coûts à retenir.

S'agissant de coûts liés à des informations utilisées à la fois pour les besoins de la constitution d'annuaires universels et de services universels de renseignements, qui visent à la satisfaction d'un objectif de prestation de service universel, et pour les besoins de l'entreprise, notamment la constitution de son fichier commercial, des règles d'allocation des coûts entre chacune de ces deux catégories d'activités sont nécessaires.

A cet égard, l'Autorité observe que le point 1 de l'article R. 10-6 fait apparaître un lien de causalité et de spécialité entre les coûts à prendre en compte et l'activité de fourniture de listes d'abonnés, les coûts indirectement induits par l'activité ne pouvant être pris en compte que pour autant qu'ils sont nécessairement encourus du fait de l'activité.

Le point 2 de ce même article renforce cette analyse en excluant clairement les coûts liés à d'autres activités que celle de fourniture des listes.

Il résulte de ces dispositions que les coûts à prendre en compte sont les coûts incrémentaux correspondant à l'activité.

L'Autorité observe que le Conseil de la concurrence, dans sa décision du 26 juin 2002 susvisée, en ce qui concerne la cession des listes d'abonnés de France Télécom, a également retenu une approche de « coût incrémental ». Le Conseil relève ainsi qu'« il est constant que France Télécom ne peut fonctionner pour les besoins de son activité de service téléphonique sans établir un fichier commercial de ses abonnés, dont l'annuaire n'est qu'un produit dérivé », et que « le coût technique d'établissement d'un tel produit est le coût incrémental » entendu comme « le coût de l'incrément, c'est-à-dire des opérations supplémentaires nécessaires pour établir l'annuaire, le fichier commercial étant supposé réalisé ».

Le Conseil de la concurrence a repris cette approche incrémentale dans la définition de la mission d'expertise auquel il a eu recours pour instruire la procédure relative au respect de l'injonction prononcée à l'encontre de la société France Télécom par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999.

Ainsi, l'approche retenue par le Conseil de la concurrence et par l'autorité en ce qui concerne les coûts à prendre en compte est cohérente avec les dispositions réglementaires désormais en vigueur relatives à la mise en place, dans un marché concurrentiel, d'annuaires universels ou de services universels de renseignements.

Sur l'équilibre entre coûts et revenus :

L'Autorité a examiné l'activité de France Télécom SA en tant que gestionnaire des listes de ses abonnés.

En ce qui concerne les coûts, elle a pris connaissance de la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre 2003 susvisée. Cette décision clôture un contentieux ouvert de longue date en ce qui concerne les conditions tarifaires et les coûts sous-jacents de l'activité de gestionnaires de listes d'abonnés.

Il ressort de la décision du Conseil de la concurrence que celui-ci a retenu pour l'année 2003 un montant total de coûts de collecte, de coûts de gestion et de coûts commerciaux de 8,78 millions d'euros dont 1,48 million spécifique aux besoins de marketing direct.

France Télécom a communiqué dans le cadre du présent litige un chiffre d'affaires prévisionnel de [...] pour l'année 2003 se décomposant de la façon suivante :

[...]

[...]

[...]

[...]

En premier lieu, l'Autorité relève un déséquilibre manifeste sur l'ensemble des activités liées à la cession de listes : [...] de revenus contre 8,78 millions d'euros de coût.

S'agissant plus particulièrement de l'offre L 12, et en l'absence d'indications précises sur le mode d'allocation des coûts entre l'offre L 12 et les autres offres, l'Autorité a comparé :

- le coût de constitution de la base hors les coûts spécifiques de marketing direct, ce qui conduit à [...], ce montant constituant un majorant compte tenu du fait qu'il comprend des coûts, y compris de marketing direct, liés à d'autres offres que l'offre L 12 ;

- les revenus liés à la seule offre L 12, à savoir [...].

L'Autorité relève ainsi que les revenus liés à l'offre L 12 sont significativement supérieurs aux coûts et que, en tout état de cause, l'éventuelle prise en compte des coûts de rémunération du capital engagé et de ceux liés aux droits de propriété intellectuelle (évalués par France Télécom respectivement à 2 millions d'euros et à 1 million d'euros, ainsi que cela ressort de la décision du Conseil de la concurrence du 12 septembre susvisée) n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions précédentes, quant à l'existence d'un déséquilibre prononcé entre coûts et revenus.

Sur la structure tarifaire :

En ce qui concerne l'orientation des tarifs vers les coûts au sens d'une structure tarifaire qui reflète les inducteurs de coût, l'Autorité observe que, dans le cas présent, les coûts liés à la constitution de la base sont, pour l'essentiel, indépendants de l'utilisation qui en est faite, en aval.

Cette caractéristique ne permet pas de dégager des inducteurs de coût liés à des paramètres objectifs de la demande, et donc, ne permet pas d'identifier des unités de tarification reflétant l'économie du service rendu, à l'exception des coûts liés aux opérations physiques de mise à disposition, mais ces derniers peuvent faire l'objet d'une tarification séparée.


5. Sur la non-discrimination


Ce principe exige à tout le moins que, pour ses besoins propres, France Télécom utilise les ressources de la base annuaires dans les mêmes conditions que peuvent le faire ses concurrents.


La « séparation comptable » mise en place par France Télécom


France Télécom fait valoir qu'elle s'applique à elle-même et à son groupe les conditions définies dans l'offre L 12, soit à travers des conventions, soit à travers sa comptabilité interne. Il ressort des éléments du dossier et des éclairages fournis par France Télécom lors de l'audition tenue le 16 septembre que, plus précisément, les usages internes du groupe France Télécom sont les suivants :

- service de renseignements de France Télécom (le « 12 ») : offre « [...] » faisant l'objet d'une convention explicite et valorisée (avant application de la réduction tarifaire pour engagement de longue durée) à [...] ;

- autre service de France Télécom, pouvant être le service « Présentation du nom » : offre « [...] » retracée à travers la comptabilité interne et valorisée (avant application de la réduction tarifaire pour engagement de longue durée) à [...]. Cet usage a été mentionné par France Télécom lors de l'audition du 16 septembre 2003 sans préciser la nature exacte du type d'offre utilisé. Une offre « [...] » semble cependant cohérente avec l'utilisation faite par ce service et avec le chiffre d'affaires total déclaré par France Télécom pour ses usages internes ;

- offre de renseignements d'Orange France : offre « [...] » faisant l'objet d'une convention explicite et valorisée (avant application de la réduction tarifaire pour engagement de longue durée) à [...] ;

- annuaire imprimé (pages blanches) et annuaire électronique (recherche alphabétique) : offre « [...] » retracée à travers la comptabilité interne et valorisée (avant application de la réduction tarifaire pour engagement de longue durée) à « [...] » ;

- services propres à la filiale Pages jaunes : offre « [...] » faisant l'objet d'une convention explicite et valorisée (avant application de la réduction tarifaire pour engagement de longue durée) à « [...] ».

Ainsi, il résulte de ce qui précède qu'au total et compte tenu d'une réduction de [...] % au titre d'un engagement de [...], les usages internes au groupe France Télécom ressortent à [...] correspondant au montant indiqué par France Télécom.

L'Autorité relève que la segmentation retenue par France Télécom est récente, les conventions établies avec Orange France et le « 12 » datant respectivement du 13 janvier 2003 et du 19 décembre 2002. Elle vise à répondre à l'observation du Conseil de la concurrence dans sa décision du 26 juin 2002, selon laquelle le « 12 » se voyait refacturer par Pages jaunes une fraction de la redevance acquittée par Pages jaunes au titre de [...].

Toutefois, l'Autorité observe que le coût ainsi affiché par le groupe France Télécom pour ses propres besoins est très dépendant de l'organisation du groupe et de sa maison mère ainsi que des conventions quant à la délimitation des activités clients.

Au regard du principe de non-discrimination, l'identification au sein du groupe France Télécom d'activités distinctes accédant séparément à l'offre L 12 est, dans son principe, de nature à contribuer à ce que France Télécom opère dans les mêmes conditions que ses concurrents.

Encore faut-il que la segmentation ainsi constituée soit pertinente au regard de l'organisation et du fonctionnement du marché. A cet égard, compte tenu du faible degré de concurrence observé à ce stade, peu d'éléments du dossier permettent d'asseoir de manière solide la segmentation opérée de facto par France Télécom.

Au regard de l'ensemble de ces observations, l'Autorité relève le caractère fortement conventionnel du choix opéré par France Télécom. Ceci pose d'autant plus question que le mode de tarification de l'offre L 12 rend les résultats très sensibles aux conventions adoptées.


Les caractéristiques tarifaires de l'offre L 12


L'Autorité relève que la structure tarifaire adoptée par France Télécom, pour son offre L 12, présente plusieurs caractéristiques :

a) Elle distingue différentes catégories d'usage ;

b) Elle présente une dégressivité au nombre de catégories d'usage de sorte que, par exemple, une activité faisant appel à deux usages se voit imputer un montant plus faible que l'ensemble de deux activités faisant appel, chacune, à un usage ;

c) Elle est forfaitaire et fait donc supporter une charge fixe à une activité déterminée indépendamment de son volume.

En ce qui concerne la découpe par catégories d'usage, une telle découpe n'apparaît pas en soi critiquable au regard des dispositions du code des postes et télécommunications en matière d'orientation des tarifs vers les coûts et de non-discrimination. Elle permet en particulier d'adapter l'offre aux différents marchés. Elle suppose toutefois une certaine pertinence des usages retenus quant à la segmentation du marché et peut poser des difficultés pratiques de séparation et de définition de périmètres, comme en témoigne le litige qui oppose Iliad et France Télécom sur la notion de « service de renseignements ».

L'existence d'une dégressivité au nombre de catégories d'usages accentue les difficultés liées à la segmentation des offres selon la catégorie. Plus fondamentalement, une telle dégressivité introduit un couplage entre activités différentes alors que la découpe par catégories d'usage vise à isoler le marché correspondant. Elle peut conduire, en effet, à faire supporter des coûts différents à des acteurs présents sur un même marché, selon qu'ils exercent ou non d'autres activités. Une telle dégressivité ne paraît pas, enfin, justifiée au regard des coûts.

Enfin, le caractère forfaitaire de la tarification, qui introduit un coût fixe pour chaque activité identifiée :

- d'une part, rend cruciale la segmentation par catégories d'usage, en faisant peser sur toute nouvelle catégorie d'usage, dès lors qu'elle est identifiée comme telle, une charge fixe significative ;

- d'autre part, introduit un effet de taille important ; ainsi, il résulte des éléments du dossier que :

- pour Iliad, le prix d'achat de la base représente près de 4 millions d'euros pour un chiffre d'affaires 2003 estimé à [...]. Iliad évalue par ailleurs le prix de la base ramené à la consultation à [...] millieuros sur la base d'un volume de [...] millions de requêtes annuelles ;

- pour France Télécom et les services proposés sur les mêmes marchés (le 12 et l'annuaire 36-11 en recherche alphabétique), le coût d'achat de la base est de [...] pour un chiffre d'affaires de [...] en 2002, soit [...] du chiffre d'affaires. France Télécom estime le prix de la base à [...] par consultation pour l'annuaire 36-11 et à [...] par appel servi pour le 12.

Si cette tarification permet, pour un usage déterminé, d'accéder à la base à un même prix, elle fait cependant supporter des différences de charges importantes entre les acteurs des marchés de renseignement et d'annuaires, comparées à leur volume d'activité sur le marché final.

L'Autorité relève que le choix de faire bénéficier d'un effet de taille aussi important les utilisateurs présentant les plus forts volumes d'activité est indépendant de toute considération d'orientation vers les coûts et introduit une forte barrière à l'entrée sur des marchés sur lesquels, comme le constate le Conseil de la concurrence dans sa décision du 26 juin 2002 susvisée, « des variations sur le tarif de cession de la base annuaires ont des conséquences importantes qui peuvent suffire à déterminer des concurrents potentiels à entrer sur le marché ou des concurrents actifs à en sortir ».


L'appréciation de la structure tarifaire

au regard du principe de non-discrimination


Au-delà des seules obligations de séparation comptable dont le mode de mise en oeuvre apparaît en l'occurrence fortement conventionnel, le principe de non-discrimination doit avant tout s'évaluer au regard de critères et d'objectifs concurrentiels.

Le principe de non-discrimination doit assurer des conditions d'accès équivalentes aux listes d'abonnés, appliquées à des opérateurs agissant dans des conditions équivalentes, en termes de marché, de nature et de volume d'activité. Il doit permettre d'assurer le développement d'une concurrence loyale sur les marchés finals des services aussi essentiels que le service universel de renseignements ou de l'annuaire universel. L'Autorité estime en conséquence qu'une structure tarifaire, produisant des effets aussi différenciés et susceptible de créer une forte barrière à l'entrée sur ces marchés, n'est possible que si elle peut être justifiée sur la base de raisons objectives, notamment au regard de l'orientation vers les coûts.

Cette exigence est d'autant plus importante que la concurrence est encore faible sur les marchés finals du renseignement et de l'annuaire.

A cet égard, l'Autorité relève que la Commission européenne analyse la discrimination au regard de ses effets concurrentiels dans la communication 98/C/265/02 relative à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications, traitant notamment des conditions que doit offrir un fournisseur d'accès occupant une position dominante. En particulier, le point 86 relatif à la discrimination indique que : « l'entreprise qui occupe une position dominante a pour obligation d'accorder l'accès d'une manière telle que les biens et les services offerts aux entreprises en aval le soient à des conditions non moins favorables que celles qui ont été accordées à des tiers, y compris les propres branches en aval de ladite entreprise ». Le point 120 précise que : « toute différenciation fondée sur l'utilisation qu'il est prévu de faire de l'accès, plutôt que sur des différences entre transactions pouvant exister pour le fournisseur d'accès lui-même, est contraire à l'article 86 [devenu article 82 du traité d'Amsterdam] dès lors que la discrimination risque de restreindre ou fausser la concurrence réelle ou potentielle. » et qu' « une telle discrimination pourrait consister à imposer des conditions différentes, notamment en matière de prix, ou à différencier de toute autre manière les accords d'accès, à moins que ce comportement ne soit justifié objectivement, par exemple, par des considérations relatives aux coûts ou d'ordre technique, ou par le fait que les utilisateurs opèrent à des niveaux différents. Ces pratiques discriminatoires pourraient être de nature à restreindre la concurrence sur le marché en aval sur lequel l'entreprise ayant sollicité l'accès cherche à opérer, en ce sens qu'elles pourraient limiter les possibilités pour cet opérateur de pénétrer sur le marché ou d'y développer ses activités. »

Ainsi, si la Commission peut être amenée à mettre en cause des pratiques de différenciation, c'est au regard de leurs effets sur la concurrence.

Au regard de ces éléments, il apparaît que la dégressivité au nombre de catégories d'usage de la tarification L 12, qui ne peut être justifiée par des considérations objectives relatives aux coûts et qui peut défavoriser les acteurs opérant sur un nombre restreint de marchés, est de nature à fausser la concurrence.

En outre, dans le cas particulier de France Télécom, dont la base est de taille importante, le caractère forfaitaire de l'offre L 12 est de nature à défavoriser les acteurs ayant un faible volume d'activité et, de ce fait, peut restreindre la concurrence.

Au regard de ces éléments, il apparaît que la tarification de l'offre L 12 présente des effets discriminatoires préjudiciables au marché.


6. Conclusion


Il résulte de ce qui précède, et notamment de la non-orientation vers les coûts et de l'effet discriminatoire de l'offre L 12, que l'Autorité ne peut considérer que cette offre est conforme aux prescriptions de l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications.


III. - Sur l'injonction demandée par Iliad


La société Iliad demande à l'Autorité d'ordonner à France Télécom de lui proposer sous 30 jours à compter de la notification de la décision aux parties un accord définissant les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom respectant les points suivants :

i) Un accès non discriminatoire aux listes d'abonnés de France Télécom, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, sur une durée de trois ans ;

ii) Une mise à jour des données selon des périodicités laissées à l'appréciation des parties et garantissant au minimum une mise à jour mensuelle ;

iii) Une orientation vers les coûts des tarifs.

S'agissant du point i, l'obligation de non-discrimination est explicitement prévue par l'article L. 33-4 du code des postes et télécommunications.


Au vu de l'analyse menée précédemment, la tarification doit autant que possible assurer, dans des conditions équivalentes, un accès aux listes d'abonnés à des acteurs opérant dans des conditions équivalentes en termes de marché et de volume d'activité :

- l'Autorité considère qu'il y a lieu de rechercher une tarification prenant en compte le volume d'activité sur le marché final des services universels de renseignement et d'annuaires de l'entreprise accédant à la liste d'abonnés, notamment dans l'offre de cession de base prévue par les dispositions de l'article R. 10-4 du code des postes et télécommunications. Une telle tarification introduit un prix variable en fonction de l'utilisation mesurée sur la base d'une unité pertinente et n'interdit pas l'existence d'une partie fixe dans la mesure où cette dernière représente des coûts induits de façon fixe par la mise à disposition de la base. Elle suppose enfin une déclaration des volumes par le client, qui soit vérifiable ; l'Autorité observe à cet égard que, dans le cadre du présent règlement de différend, chacune des parties a fait référence à différents indicateurs de volumes pour différentes activités, telles que le nombre d'appels servis ou de renseignements fournis dans le cas de services de renseignements téléphoniques ou encore le nombre de requêtes dans le cas d'annuaires en ligne ;

- dans le contexte d'une tarification variable, la question de la découpe en types d'usages entendus comme le marché final sur lequel intervient le client de l'accès à la liste d'abonnés devient moins sensible. L'Autorité considère en tout état de cause que la tarification retenue ne saurait introduire une dégressivité en fonction du nombre de type d'usage, qui ne permet pas d'assurer l'équivalence de traitement des clients.

S'agissant du point ii, l'Autorité considère que les trois fréquences de mise à jour proposées actuellement par France Télécom dans le cadre de son offre L 12, à savoir mensuelle, hebdomadaire et quotidienne, paraissent raisonnables au regard des besoins d'un acteur souhaitant fournir un service universel de renseignements ou éditer un annuaire universel et répondent à la demande de la société Iliad de disposer d'une périodicité au moins mensuelle.

S'agissant du point iii, l'obligation est explicitement prévue par l'article L. 33-4. France Télécom devra établir sa tarification sur la base des coûts déterminés selon une approche incrémentale telle que définie précédemment.

S'agissant du délai d'injonction, l'Autorité considère qu'au regard des modifications de tarification demandées, il apparaît nécessaire que France Télécom interroge ses clients sur la faisabilité technique de la mise en place d'une tarification reposant sur une partie variable et sur leur volume d'activité sur les différents marchés finals, selon des unités de mesure à définir. En conséquence, l'Autorité considère qu'il est raisonnable de fixer à France Télécom un délai de soixante jours,

Décide :


Article 1


L'offre proposée par France Télécom en rubrique L 12 de son catalogue des prix ne respecte pas les prescriptions de l'article L. 33-4 relatives à l'accès aux listes d'abonnés de France Télécom en vue de la fourniture d'un service universel de renseignements.

Article 2


France Télécom proposera, dans les soixante jours à compter de la notification aux parties de la présente décision, un accord définissant les modalités techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés de France Télécom respectant les points suivants :

- un accès non discriminatoire aux listes d'abonnés de France Télécom, sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, sur une durée de trois ans ;

- une mise à jour des données selon une périodicité au moins mensuelle ;

- une orientation vers les coûts des tarifs.

Article 3


Le chef du service juridique est chargé de notifier aux sociétés Iliad et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.


Fait à Paris, le 23 septembre 2003.


Le président,

P. Champsaur


Nota. - [...] passages relevant des secrets protégés par la loi.